Cette semaine, une histoire a commencé à être partagée sur les médias sociaux congolais, suggérant que le Fonds monétaire international (FMI) aurait demandé au gouvernement de Kinshasa de revoir son budget de 16 milliards à 3 milliards de dollars pour être réaliste. Dans le même temps, depuis trois mois, les fonctionnaires de l’État reçoivent leurs salaires en retard. En plus, malgré l’accroissement des réserves de change à niveau exceptionnel, le gouvernement et la Banque centrale du Congo (BCC) n’arrivent pas à stabiliser le franc congolais, qui continue à se déprécier face au dollars américains.Tout cela nous amène à nous poser la question suivante : quel est l’état des finances en RDC ?
C’est le sujet de ce seizième épisode de la saison 3 de Po Na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Jason Stearns, directeur du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New York et membre fondateur d’Ebuteli, le partenaire du GEC en RDC. Nous sommes le vendredi 28 avril 2023.
Il s’avère que l’histoire qui a fait le tour de Twitter et de Facebook était erronée. En effet, à la suite d’une visite du FMI en février, l’organisation avait relevé les prévisions de croissance du Congo à 8,5 pour cent, l’une des plus élevées au monde, grâce à des exportations minières élevées, qui ont augmenté d’environ 20 pour cent au cours de l’année écoulée. Pourquoi, alors, le gouvernement peine-t-il à payer ses employés ?
Le ministre des Finances Nicolas Kazadi a expliqué qu’en février et mars, il y avait des problèmes liés à « un choc dû aux dépenses sécuritaires, aux dépenses humanitaires et des élections, qui ont perturbé la trésorerie. » Pour comprendre l’ampleur de ces défis – en particulier les dépenses de défense liées à la crise du M23 – il est utile de jeter un coup d’œil aux chiffres du ministère du budget.
Ceux-ci montrent qu’en 2022, le Congo a été en mesure de lever et de dépenser environ 7 milliards de dollars, bien que Kazadi affirme que ce chiffre était plus proche de 9 milliards de dollars. Ce chiffre représente une augmentation spectaculaire de 75 pour cent par rapport au dernier budget du président Kabila en 2018, lorsque le gouvernement n’avait pu lever que 4 milliards de dollars. Cela est dû à un mélange de meilleures performances des différentes agences fiscales, mais en particulier aussi au montant plus élevé des recettes provenant des sociétés minières.
Cependant, ce budget a également connu une augmentation massive de dépenses dans certains secteurs : au cours de cette même période, les dépenses de la présidence sont passées de 4 pour cent à près de 8 pour cent du budget tandis que celles du fonctionnement et la rémunération des cabinets ministériels ont aussi augmenté considérablement. Le gouvernement dépense désormais plus pour la présidence que pour la justice, les soins de santé ou l’enseignement supérieur. Et, comme l’a suggéré le ministre des finances, le budget de la défense a aussi augmenté de manière astronomique. En 2018, le gouvernement avait dépensé environ 350 millions de dollars pour la défense ; l’année dernière, les chiffres officiels suggèrent qu’il s’agissait de 563 millions de dollars. Des sources au sein du gouvernement et du FMI suggèrent qu’il était beaucoup plus élevé, en raison des dépenses urgentes liées à la crise du M23, atteignant plus d’un milliard de dollars pour 2022, même si la taille de l’armée n’a pas augmenté. Malgré ces dépenses, les résultats des opérations militaires sur le terrain ont été maigres.
Le président Tshisekedi est entré en fonction en promettant une augmentation spectaculaire du budget du pays. Il est en passe d’y parvenir, mais la collecte de fonds n’est qu’un aspect de l’équation. Avec peu de transparence et peu d’audits des dépenses du gouvernement – en particulier celles de la présidence ou de l’armée – et avec une grande partie du budget dépensé dans les urgences, il est difficile d’évaluer si les dépenses du gouvernement ont un sens.
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