Des chiffres qui parlent. Rien que pour les élections présidentielles et législatives nationales, le budget du cycle électoral de 2011 était de 456,4 millions de dollars, sur lesquels 71% devaient venir du gouvernement et 29% des partenaires.
En réalité, la CENI n’avait reçu que 258.658.700 dollars de la part du gouvernement pour l’ensemble du cycle. Très peu, à vrai dire. On a vu les résultats notamment avec l’organisation chaotique des scrutins, les nombreux retards dans le déroulement des opérations pré et post-électorales, aussi et surtout face à des défis logistiques incompressibles.
Pour les années 2013-2015, le budget voté par le parlement est de $566 million. D’après des révélations récentes du vice-président de la CENI, André Mpungwe, la centrale électorale n’a cependant, à ce jour, reçu qu’environ $ 89 millions, soit 17 pourcent du budget prévu.
Des voix faisant autorité, comme celle du président du sénat Léon Kengo wa Dondo, ont récemment indiqué, à l’occasion des consultations initiées au mois de juin par Joseph Kabila, qu’il était possible de réduire le budget de la CENI, entre autres en reportant les scrutins non essentiels ou en en couplant d’autres. Il n’empêche que cette question est devenue, plus que toute autre, le nerf de la guerre. Pour preuve, elle vient de faire l’objet d’une passe d’armes entre la CENI et le gouvernement devant la Cour Constitutionnelle en rapport avec le financement de l’élection des gouverneurs des provinces démembrées. Le gouvernement ayant avoué son impuissance, les observateurs se demandent désormais comment le cycle électoral en cours sera financé sans le concours des partenaires traditionnels.
La mobilisation des ressources est ainsi en train de devenir une question importante dans la controverse électorale qui mobilise le pays. Avec d’autant plus d’acuité que, depuis plusieurs mois, il est annoncé de fortes turbulences dans la mobilisation des recettes, notamment en raison de la baisse des prix des matières premières sur le marché mondial. On sait que la République Démocratique du Congo dépend pour une large part de ses recettes d’exportation de la vente des minerais, notamment de cuivre, dont la RDC est le producteur le plus important en Afrique, et de cobalt, dont elle est le premier producteur au monde.
Cette baisse des prix, qu’on peut expliquer par le ralentissement de la croissance en Chine, a conduit le géant minier suisse Glencore PLc à suspendre pour une année et demie la production de cuivre et de cobalt de sa filiale Katanga Mining Ltd. L’objectif, assure le groupe suisse cité par l’agence Bloomberg, est de mettre ce délai à profit pour construire de nouvelles installations permettant le traitement des minerais avec de faibles coûts de production.
Un coup très dur, en somme. D’autant que Katanga Mining Ltd représente à lui seul 15 % de la production totale de cuivre en RDC, et a payé en 2014 environ $300 million en taxes. D’où l’inquiétude sur ce que sera l’impact de la décision de Glencore sur le niveau des recettes d’exportation de la RDC et par conséquent sur le budget global de l’Etat et, de manière spécifique, sur l’organisation des élections que la RDC espère financer sur fonds propres afin de contourner la communauté internationale qui conditionne son soutien à un certain nombre de préalables.
Bloomberg explique que la décision de Glencore fait suite à une année catastrophique pour la multinationale, dont les actions ont plongé de 70% cette année en raison de la chute des prix des matières premières. Ce qui a forcé l’entreprise à vendre encore des actions. L’agence note au moins deux conséquences de ce nouveau développement. Premièrement, la chute de la production dans un secteur déjà frappé par la baisse des prix des matières premières. Deuxièmement, la baisse des recettes de l’Etat en termes d’impôts et dividendes, couplée au paiement des intérêts de la dette de Kamoto Copper Co. Soixante pourcents des investissements de Glencore dan Katanga Mining sont en effet représentés par les prêts consentis par le groupe suisse à Kamoto Copper Co.
Fin juin, cette dette représentait 2,91 milliards de dollars payables à un taux de 10% à l’échéance de 2021. En d’autres termes, fin période et après 18 mois d’inactivité, la dette devrait augmenter de 459 millions de dollars, assure Bloomberg. Avant de souligner que dans l’hypothèse où Glencore devait ajouter un investissement additionnel de 880 millions comme annoncé pour redimensionner les installations de Katanga Mining, la dette se chiffrerait à 3,71 milliards, tandis que les intérêts augmenteraient, durant la période de suspension, à 597 millions.
Scrutant l’avenir, les observateurs se demandent quel impact la chute des cours des matières premières, la suspension de la production de Katanga Mining et l’augmentation des intérêts dus à Glencore pourraient avoir sur la capacité du gouvernement congolais, qui a récemment avoué son impuissance devant la Cour Constitutionnelle, à financer le cycle électoral 2016.
Les débats attendus au parlement sur le budget de l’exercice 2016 apporteront peut-être un éclairage. Cependant, il n’est pas sans signification de noter que le projet de budget déposé par le gouvernement présente un recul d’environ un milliard de dollars par rapport à l’exercice en cours (8 milliards contre 9 milliards). Des sources au niveau de la primature renseignent que le gouvernement est en train de resserrer la ceinture.
Pour autant, les inquiétudes somme toute légitimes soulevées par cette question pourraient être atténuées à la faveur d’une autre opération de vente d’actifs miniers. Il s’agit, cette fois, de la société minière canadienne Ivanhoe Mines Ltd, elle aussi spécialisée dans la production du cuivre. Cette société vient de conclure la vente de 49,5% de son projet Kamoa au groupe chinois Zijin Mining Group Co, faisant du coup bondir ses actions en bourse. Bloomberg précise que cette vente a été longtemps bloquée en raison d’un différend entre le groupe canadien et le gouvernement congolais qui souhaitait voir la part de l’Etat passer de 5 à 20%. Notant que cette transaction vient d’avoir lieu dans la foulée de la visite du chef de l’Etat en Chine à la mi-septembre, les observateurs n’excluent pas qu’à terme, la RDC décide à son tour de céder ses propres actions au même groupe chinois, comme une source de recettes exceptionnelles à affecter au processus électoral.