Le débat autour du dialogue politique en RD Congo tourne autour de la question posée en juin dernier par Monseigneur Laurent Monsengwo Pasinya à l’occasion des consultations initiées par le chef de l’Etat. Cette question était : «dialoguer oui, mais sur quoi ?». Sous-entendu : le dialogue tel qu’envisagé est-il susceptible de protéger la constitution du 18 février 2006 et de faire respecter les délais constitutionnels pour les échéances électorales de 2016 ?
Engagés à se faire peur pour la conquête ou la conservation du pouvoir, les Congolais semblent plutôt décidés à verser dans la surenchère. Le pouvoir à tout prix contre l’alternance à tout prix, telles sont les deux logiques apparemment irréconciliables qui s’affrontent. On ne sait pas toujours sur quoi elles vont déboucher.
Impuissants à conjurer la fatalité, beaucoup se sont découverts à espérer que l’implication de l’ONU permettrait de sauver ce qui peut encore l’être. A cette fin, Saïd Djinnit, l’envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies dans les Grands Lacs, a récemment consulté tous ceux qui comptent sur l’échiquier congolais avant de reprendre le chemin de New York pour son rapport au Secrétaire Général de l’ONU.
En fait la crainte, pour la plupart des observateurs, est que l’ONU s’enlise, pour plusieurs raisons, dans le bourbier congolais.
Premièrement: peut-on, sérieusement, trouver solution à une situation dans laquelle les protagonistes semblent, dès le départ, avoir choisi et intégré pour les uns la logique du coup d’Etat constitutionnel et, pour les autres, celle du coup de force populaire ?
Deuxièmement : quel serait le vrai rôle du facilitateur dans une configuration où la co-modération semble disposer d’un cahier des charges précis et contraignant ?
Enfin, face à la logique de la confrontation, est-il permis de penser que le dialogue tel qu’il avait été préconisé par la communauté internationale dans le cadre de l’accord cadre d’Addis-Abeba et les résolutions pertinentes du conseil de sécurité est encore possible?
Sauf à vouloir évoluer dans un gigantesque malentendu, tout porte plutôt à croire que l’ONU court le risque de faire chou blanc et de perdre toute sa crédibilité dans le bourbier congolais.
Rappelons que la Monuc avait accompagné le dialogue intercongolais de Sun City puis, après celui-ci, appuyé la transition en sa qualité de membre du Comité International d’Accompagnement de la Transition – CIAT. La constitution du 18 février 2006, dont elle avait soutenu le référendum avant d’appuyer les élections générales de la même année, c’est aussi en partie son œuvre.
Du coup, trois scénarii se présentent aujourd’hui à l’ONU. Un : s’impliquer pour rendre le dialogue réellement inclusif autour des questions électorales. Deux : légitimer un dialogue dont Joseph Kabila se servirait pour obtenir le glissement. Trois, hypothèse hautement improbable: jeter l’éponge et laisser les Congolais régler leurs différends entre eux. L’appel lancé cette année aux autorités congolaises par le Secrétaire Général des Nations Unies en faveur du respect de la constitution devrait, en l’occurrence, soit clarifier définitivement le débat, soit, en revanche, plomber une facilitation somme toute acceptée du bout des lèvres.
Entre obligation de réalisme et nécessité de prêcher les principes universels de démocratie et d’alternance, il n’est pas toujours sûr que l’ONU arrive à tirer son épingle du jeu en préservant sa crédibilité ainsi que celle de la communauté internationale dans son ensemble.