Passés désormais à l’opposition depuis leur exclusion de la majorité, bon nombre des partis membres du G7 expérimentent désagréablement leur dédoublement. Des dissidents fourmillent pour non seulement se prévaloir de la direction de ces partis, mais aussi proclamer leur arrimage à la majorité.
En septembre 2015, sept partis membres de la majorité (UNADEF, UNAFEC, MSR, MSDD, ACO, PDC et ARC), aujourd’hui constitués en G7, ont pris la liberté d’adresser pour la troisième fois une lettre au Président Joseph Kabila au sujet de la situation politique prévalant dans le pays en perspective de l’échéance de décembre 2016, marquant la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel. En fait, il s’agissait d’une interpellation de la majorité qui semble s’inscrire dans la voie d’un troisième mandat pour le Président sortant, contrairement à la Constitution, ou le cas échéant, le maintenir au pouvoir en ralentissant le processus électoral.
Cette exhortation appelait un débat qui n’a pas eu lieu au sein de la majorité. Par contre, sans autre forme de procès, ces partis – dont bon nombre de leaders étaient au cœur du régime – ont été exclus de la famille politique du Président Joseph Kabila. Par la suite, ces leaders ont été démis de leurs fonctions officielles dans les institutions. Ils ont ainsi rejoint l’opposition qui a vu le front du refus d’un troisième mandat s’élargir. Avec la quatre-vingtaine de députés G7 au départ qui s’ajoutaient à la centaine de l’opposition traditionnelle, les lignes semblaient bouger à l’Assemblée nationale. Afin de prévenir cette situation, la majorité a aussitôt entrepris de fragiliser le G7, provoquant des schismes tant dans les groupes parlementaires que dans les appareils politiques. Des congrès ou des assemblées générales se sont tenus à l’emporte-pièce pour mettre en porte-à-faux les leaderships consacrés par les statuts officiels. Procès-Verbaux à l’appui pour les uns, actes de jugement pour les autres, ces partis doublons sont, tour à tour, reconnus officiellement. Ils viennent même de signer la Charte de la Majorité présidentielle, authentifiant ainsi leur appartenance à la famille politique du chef de l’Etat. Désormais, sous les mêmes dénominations et avec des mêmes symboles, idéologies et signes distinctifs, il existe, notamment, UNADEF/Opposition et UNADEF/Majorité, ACO/Opposition et ACO/Majorité, ARC/Opposition et ARC/Majorité, MSR/Opposition et MSR/Majorité, etc.
Une vive polémique a même lieu au sujet du MSR, présenté comme relevant de l’autorité morale du Président Joseph Kabila, lui-même initiateur du PPRD. Dans une conférence de presse tenue ce 27 janvier à Kinshasa, le député François Rubota Masumboko, Secrétaire général du new MSR, a laissé entendre que le Président Joseph Kabila exerce l’autorité sur leur parti par le biais d’un leadership qui le gère au quotidien. Une même personne se retrouve ainsi à la fois «autorité morale» des deux partis politiques, avec, à la fois, deux visions, deux idéologies et deux projets de société différents. C’est un déni de la démocratie. En revanche, note le député Nzangi Muhindo, président du groupe parlementaire MSR/Opposition à l’Assemblée nationale, la transhumance politique ainsi entretenue ne contribue ni à la paix ni à la consolidation de la cohésion nationale.
Le MSR n’est pas seul dans cette situation. Le MLC aussi. Devenu Vice-Premier ministre dans le Gouvernement Matata II à la faveur des Concertations nationales contre la volonté de son parti, Thomas Luhaka, ancien Secrétaire général de ce parti, a créé une aile qui participe au pouvoir, le MLC/L. Avec aussi bien le même symbole, la même idéologie et les mêmes signes distinctifs que le MLC originel, cette dissidence, agréée par le ministre de l’Intérieur, partage également le même Président : Jean Pierre Bemba.
Ces pratiques énervent les prescrits de la Loi N° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques, particulièrement son article 7 qui stipule qu’« aucun parti politique ne peut adopter la dénomination, le sigle, les symboles et autres signes distinctifs d’un autre parti politique déjà enregistré par l’autorité publique compétente (…) ». A tous égards, elles inhibent la démocratie et contribuent à l’augmentation sans fin du nombre des partis politiques à l’aune duquel la démocratie ne se mesure pas. Sinon, avec 447 partis politiques officiellement reconnus en 2006 contre 417 en 2011 et 477 en mai 2015, la RD Congo serait la plus grande démocratie au monde et une nation réellement portée vers le développement.
Reste que la recette du dédoublement des partis politiques n’est pas une nouvelle trouvaille en RD Congo. Elle caractérise la vie politique du pays depuis l’indépendance, voire la vie nationale. Ainsi, par exemple, il y a eu le MNC/Lumumba et le MNC/Kalonji, le PSA/Gizenga et le PSA/Kamitatu. Avec comme conséquence une majorité hétéroclite qui a mis à l’épreuve le jeune Etat congolais pendant les cinq premières années de l’indépendance. Après 25 ans de règne dictatorial, le Président Mobutu s’est découvert un talent en la matière pendant la transition des années 90. Il y a eu ainsi plusieurs UDPS et plusieurs MPR (le parti de Mobutu), sans compter la prolifération des partis dits alimentaires. Le pays s’en est trouvé désarticulé au point que son régime a été finalement balayé par l’AFDL avec à la tête Laurent-Désiré Kabila et la cohorte des malheurs qui continuent à s’abattre sur le pays. Il n’en sera pas autrement avec le phénomène actuel. Alors, lesquels d’entre les partis dédoublés auront droit à présenter les candidats pour les échéances à venir ? Un problème se pose, par exemple, avec les listes des députés provinciaux déposés en son temps et dont l’élection est reportée. Une nouvelle crise est au rendez-vous si elle n’existe pas déjà. Et la grande perdante sera la RD Congo. Le pays a tout à gagner en s’engageant dans une nouvelle gouvernance démocratique.
Moise Musangana est l’ancien rédacteur en chef du journal Le Potentiel et est associé au Groupe d’étude sur le Congo.