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Est de la RDC : Programme de Stabilisation, un vœu pieux

Depuis la clôture en mars 2008 de la conférence de Goma sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, la partie orientale de la RDC n’a cessé de demeurer au centre des préoccupations à différents niveaux. Le programme de stabilisation censé promouvoir un climat de paix et sécurité n’est évoqué que pour inaugurer la construction des bâtiments (administration, police, école, centre de santé, etc..) pendant que son objectif principal, celui de ramener la paix et la sécurité pour les populations, est toujours conjuguer au futur, en terme d’objectif à atteindre à l’issu d’un processus.

Certaines langues avancent même qu’il n’existe pas à travers le monde, un pays dont la paix est entièrement acquise, allusion faite, notamment aux attentats terroristes dans certains pays, même ceux considérés de puissance planétaire. Pareil comportement laisse cependant perplexe certains analystes qui essayent de se donner à une comparaison dans l’agissement des pouvoirs publics de différents pays lorsqu’ils se trouvent être confrontés à une menace certaine ou supposée susceptible à se produire sur leurs territoires. C’est partant de cette comparaison d’agissement que l’on s’interroge sur le sens de la stabilisation lancé avec la Conférence de paix de Goma en janvier 2008 et inaugurée avec la signature de l’accord du 23 mars 2009 à Goma.

Mais voilà, sept ans après la paix et la sécurité se font toujours attendre au point d’être considérées comme une manne qui viendrait du ciel, si pas une denrée rare pour les populations civiles. Pour preuve, après que le général Mushale ait déclaré, le 26 avril 2016 sur les ondes de la radio Okapi, sa satisfaction dans les opérations contre les éléments ADF et FDLR et, ce à la suite de l’accalmie observée dans la région au courant du mois de février 2016, la région a connu de nouveau une dégradation brutale de l’environnement sécuritaire avec les massacres survenus dans les villages de Mimibo et Mutsonge dans la localité de Baungatsu-Luna, Byena et Tingwe proche de l’agglomération d’Eringeti, groupement de Bambuba-Kisiki, secteur de Beni-Mbau en territoire de Beni au Nord-Kivu mais aussi à Kasoko-Biakato en territoire d’Irumu, province de l’Ituri, respectivement le 04 et 06 mai 2016, lesquelles attaques ont été, comme d’habitude, attribuées aux éléments ADF et faisant une vingtaine des victimes parmi les civils et des dizaines autres emportés dans la brousse, au grand dam des forces onusiennes et congolaises déployées à quelques mètres du lieu des crimes. Ces tueries en répétition associée aux enlèvements et kidnappings, notamment ceux du 03 mai 2016 de trois chauffeurs du Comité International de la Croix et Croissant rouge (CICR) et d’autres exactions généralement commis par des éléments armés vêtus en tenue militaire de l’armée congolaise, sur la route Kisheshe-Kibirizi, en provenance de la localité de Bamba, secteur de Bwito en Territoire de Rutshuru et sur le tronçon Goma-Butembo, principalement aux alentours de la localité Kaseghe au Sud de Lubero, dénotent un déficit dans le processus de stabilisation de la partie orientale. D’autre part, l’occupation continuelle des localités de Bambu, Tongo, Kikuku et Miriki en territoire de Lubero par les éléments coalisés des groupes FDLR-Nyatura et la décision du gouvernement de contraindre les populations de la localité de Vithumbi en Rutshuru à vider les lieux sans avancer des motifs et encore moins proposer un autre endroit où ces populations doivent s’établir, nourrit davantage les critiques.

Cette insécurité permanente alimente plusieurs théories. Certains pensent que la violence vise à contraindre la population d’abdiquer et d’abandonner leurs habitations et contrées pour des intérêts obscurs dont les plus en vue sont l’exploitation des ressources pétrolières dans le parc national de Virunga ou l’annexion des riches territoires abandonnés au Rwanda et à l’Ouganda, comme ne cessent de le dénoncer plusieurs organisations de la société civile locale et certaines personnalités, dont Monsieur Boniface Musavuli.

En effet, intervenant dans une émission de vendredi 20 avril 2016 à la télévision catholique KTO émettant dans la ville de Paris en France, Boniface, Coordonnateur du DESC, a soutenu que le climat d’insécurité quasi permanente dans la partie orientale découle d’une politique mise en place au niveau de la région par les régimes de Kampala, Kigali et Kinshasa et ayant pour objectif l’annexion des riches provinces de la RDC après l’extermination des populations locales hostiles (Nande, Hunde, Nyanga, Kano, Mbumba, Pakombe, Bila, Lendu, Ngiti, etc…) et, à défaut, le déversement d’une partie de la population rwandaise, principalement de la communauté Hutu dans plusieurs entités congolaises à l’Ouest des localités rwandaise et ougandaise de Ruhengeri, Gisenyi, Bwera et Bundubungyo.

D’autres sources dans la région indiquent la dégradation de la situation serait liée à l’existence des milices locales tribales, notamment la milice Bambuba, sous la conduite d’un certain Pascal Undebi, alliée à d’autres groupes et, qui serait hostile à l’occupation des terres par les nande. Bien cette milice Babumba soit une réalité, n’empêche que des groupes plus structurés et aguerris, notamment les immigrés Hutu venus du Sud de Lubero, les éléments de l’ancien officier déserteur Colonel Richard Bisamaza ainsi que certains éléments des forces armées congolaises, soient impliqués dans la dégradation de l’environnement sécuritaire dans la région. L’on évoque même l’arrivée dans la région des éléments de l’armée ougandaise (UPDF) accompagnés des anciens miliciens M23 et CNDP, réfractaires au processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réinsertion, conformément au programme DDR III.

Aussi, le désintéressement de Kinshasa ou tout au moins, son déficit dans la formulation de politique proactive, cache en peine l’insouciance affichée face aux tueries cruelles dans le territoire de Beni, les kidnappings et autres exactions contre les civils consécutifs à l’activisme coalisé des miliciens Interhamwés (FDLR) et Nyatura dans le Sud de Lubero et dans le Rutshuru. Bien plus, le fait pour Kinshasa et/ou l’autorité provinciale de favoriser, organiser ou autoriser les mouvementes des prétendus civils Hutu vers les terres arables de la collectivité de Walendu Binti, proche des zones troublées du territoire de Beni semble peu judicieux compte tenu la dégradation de la sécurité dans cette partie du pays. Celle-ci appelait, au contraire, une évaluation rigoureuse des différents programmes de stabilisation conçues et lancées en 2008 et le redimensionnement de l’approche militaire en vue d’espérer à la restauration de la paix et de la sécurité dans les contrées en proie à l’insécurité.

De même, comparer l’insécurité actuelle dans la partie orientale du pays aux cas d’insécurité inhérente à toute ville ou aux attaques des groupes intégristes vécus à travers certaines villes et localités de la planète, équivaut plus à une insulte contre ses concitoyens. Il s’agit en réalité d’un comportement qui traduit un déficit voulu et/ou entretenu dans la formulation des politiques publiques pour endiguer une situation d’instabilité entretenue. Car, en deux ans de tueries successives, les forces de sécurité congolaises s’emploient toujours à étudier la stratégie et le mode opératoire de l’ennemi sans y parvenir ni dire avec exactitude le vrai auteur des massacres et tueries, se limitant seulement à déplorer une guerre asymétrique menée par les prétendus éléments ADF enkystés dans la région depuis la chute du Président ougandais Id Amin Dada en 1984.

Pourtant, les éléments pour l’évaluation ou l’élaboration d’une politique proactive ne manquent pas. Preuve, si l’on en doute, dans la résolution 2277 (2016) du 30 mars 2016, le Conseil de Sécurité de l’Onu rappelle : « Si l’on veut offrir stabilité et protection à la population civile de la RDC et de l’ensemble de la région, il faut neutraliser durablement les groupes armés (FDLR, ADF, LRA et autres milices locales et tribales) et exige la reprise de la coopération militaire entre les forces congolaises et onusiennes en vue de la neutralisation durable et définitive des FDLR car, ces derniers continuent à promouvoir et à commettre des tueries fondées sur les facteurs ethniques et d’autres massacres en RDC et au Rwanda ».

Certes qu’en faisant de la neutralisation des groupes armés une condition fondamentale de la stabilité et de la protection des civils, le Conseil pense utilement susciter la compassion ou la bonne foi des pouvoirs publics d’agir efficacement contre la menace liée à l’activisme des groupes armés dans la région. Cependant, nombre d’observations sont d’avis que la gouvernance dans la région s’est adoptée et accommodée à l’instabilité, cette dernière n’étant plus fondée uniquement sur l’activisme des groupes armés devenus alliés objectifs pour le maintien et l’entretien de l’instabilité. Ce qui justifie en partie la moindre importance accordée aux causes de l’instabilité continuelle. Pour ces observateurs, en effet, l’instabilité se présente comme un motif de justification de certaines politiques dont celle de la faible mobilisation des ressources budgétaires nécessaires à la stabilisation et susceptible d’asseoir la gouvernance démocratique à travers la tenue régulière et périodique d’élections, gage de la stabilité et du développement.

Dans ce sens le programme de stabilisation voulu d’espoir est demeuré dans le cadre de liturgie de la parole, ou simplement un vœu pieux pour les populations civiles de la partie orientale de la République Démocratique du Congo.

 

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