La situation politique et électorale est de plus en plus volatile à mesure que l’on approche le 20 décembre 2016, date marquant la fin du dernier mandat du président Joseph Kabila. Les différents stratagèmes du gouvernement, ainsi que de la Majorité présidentielle (MP), révèlent les intentions de maintenir le Président Joseph Kabila au pouvoir, à l’instar de ses pairs de la région.. Après avoir gagné le pari du « glissement » avec la caution de la CENI et reçu la garantie de la Cour Constitutionnelle (Arrêt n°265 du 11 mai 2016) de demeurer au pouvoir en cas de non organisation des élections, la MP envisage le référendum.
« En 2016, il y aura un passage de flambeau civilisé entre un président qui sort et un président qui entre. Joseph Kabila n’aurait jamais demandé de réviser la constitution pour qu’il reste au pouvoir ». Le ministre Lambert Mende répondait ainsi en mars 2015 à quiconque soupçonnait le président Joseph Kabila de vouloir changer la constitution afin de briguer un troisième mandat. En Janurary 2016,le président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la MP Aubin Minaku, déclarait dans les médias que « Kabila ne changerait pas l’article 70 de la constitution – qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux – et qu’il quitterait le pouvoir après la tenue des prochaines élections ».
Ces déclarations n’avaient pas cependant réussi à calmer les spéculations, surtout qu’elle ont été contredites par des autres membres de la MP. Déjà en juin 2013, le professeur Evariste Boshab, alors secrétaire général du Parti du Peuple pour le Reconstruction et la Démocratie (PPRD), publiait un ouvrage intitulé « Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation ». Claude Mashala, secrétaire national du PPRD, préconise en mars 2014 la suppression de l’alinéa limitant le nombre des mandats du président de la République et appelle à l’organisation d’un referendum. Il prédit qu’il n’y aura pas d’élection présidentielle en 2016. En juillet 2014, Richard Muyej (alors ministre de l’Intérieur) et Aubin Minaku, affirment qu’il est possible de changer la limitation des mandats présidentiels par référendum. Mais, les désormais membres du G7 émettent en mars et août 2014 un son contraire au sein de la MP. Ils en sont exclus après leur lettre ouverte adressée (14 septembre 2015) au président de la République, dénonçant «les velléités de révision ou de changement de constitution ».
Secrétaire général du PPRD, Henri Mova Sakanyi revient à la charge le 04 juin 2016, date marquant le 45ème anniversaire de Joseph Kabila. Il fait savoir que « le président ne peut pas aller à la retraite à 45 ans. Si le peuple décide d’aller au referendum, on va le faire. La République du Congo l’a fait, le Burundi l’a fait, le peuple rwandais l’a fait ». « Ce ne sont pas les Américains qui vont nous faire peur », avait-il clamé le 17 mai, dix-huit jours plus tôt. Sur ces entrefaites, les médias commentent la tournée du ministre des Affaires étrangères Raymond Tshibanda en Occident commencée par Bruxelles le 14 juin pour, entre autres objectifs, convaincre du bien-fondé du référendum envisagé par le président Kabila.
Sur quoi donc va porter ce referendum ? Sur des matières verrouillées par la constitution ? En effet, celle-ci exclut, la durée des mandats présidentiels de toute révision constitutionnelle et prescrit les matières pouvant être soumises au referendum [transfert de la capitale en un autre lieu (article 2, alinéa 4 ; cession, échange et adjonction de territoire (article 214, alinéa 2)]. Par ailleurs, la situation de la RDC se présente en des termes différents qu’au Rwanda, au Congo-Brazzaville, voire au Burundi. Le président Joseph Kabila y fait face à une opposition farouche qui vient de corser son unité––avec l’exception majeure de Vital Kamerhe––au conclave de Genval (Belgique). Celle-ci voue un attachement indéfectible à la constitution. Une frange importante de la société civile ne transige pas non plus avec la constitution. En sus de la situation socioéconomique dégradante, le président Joseph Kabila a réussi l’exploit de réunir contre lui la quasi-unanimité des bailleurs de fonds occidentaux avec l’appui tacite, et peut-être incertain, de la Chine et la Russie à travers la résolution 2277 du Conseil de sécurité.
La logique derrière le referendum est difficile à justifier. Court-circuitant le dialogue, le referendum est une élection supplémentaire qui s’ajoute à celles du cycle 2016, lié au fichier électoral, que le gouvernement a du mal à financer. Sur le budget total de 1,2 milliard USD, le gouvernement a souscrit pour 300 millions pour 2016, à raison de 20 millions USD par mois pour le premier semestre et 30 millions USD par mois pour le second. La CENI a informé la mission de l’ONU venue évaluer les besoins électoraux (24 avril-10 mai 2016) qu’elle a reçu 60 millions USD couvrant les quotités de janvier à mars. Mais, le premier ministre Matata a exprimé à celle-ci ses inquiétudes à pouvoir poursuivre ces décaissements au regard des difficultés économiques en raison de la chute des prix des matières premières. Certains engagements du gouvernement seront ainsi réajustés et il est impératif de rechercher des appuis extrabudgétaires.
La perspective reste sombre à moyen terme. Tant que l’opposition reste unie, il n’y aura pas de consensus pour le referendum. Même si la majorité présidentielle réussissait cet exploit, cela ne résoudra pas pour autant la crise. Bien au contraire, celle-ci risque de s’aggraver.