Déjà plus d’une semaine, le vendredi 03 mars quand des leaders de l’opposition ont entrepris de créer une fronde au sein du Rassemblement sous prétexte de protéger l’héritage d’Etienne Tshisekedi. Paradoxalement, la fronde s’attaquait au fils biologique du défunt, Félix Tshilombo, désigné plus tôt président du Rassemblement en tandem avec Pierre Lumbi en qualité de président du Conseil des Sages.
Le rétropédalage osé cette semaine par les plus courageux, sinon les plus opportunistes, a vu Jean Pierre Lisanga Bonganga, l’ultra-mobutiste devenu par une sorte d’ironie de l’histoire chantre du Tshisekedisme pur et dur, puis le Ne Kongo Gilbert Kiakwama kia Kiziki reprendre le chemin de la cathédrale en chantant l’hymne de l’unité tandis que le Fonus Joseph Olenghankoy Mukundji, l’Udps Bruno Tshibala et le professeur Freddy Matungulu Ilankir s’arcboutaient sur l’illusion d’un château imprenable. Gilbert Kiakwama a même poussé le zèle jusqu’à crier qu’il n’était jamais tard pour refaire l’unité quand on n’a pas eu la lucidité, entre gens sages, de faire l’économie d’une absurde division une semaine plus tôt !
Justement, la question est de savoir comment faire pour que les blessures se cicatrisent comme par magie, et que tout redevienne normal, comme dans le meilleur des mondes ? Comment faire pour que ces divisions récurrentes n’entretiennent pas le blocage qui enlise l’accord de la St Sylvestre ? Comment faire pour que les prélats catholiques ne se retrouvent pas dans un véritable capharnaüm dont ils n’entrevoient même pas la sortie ? Comment faire pour que la Majorité présidentielle ne jubile pas en se frottant les mains devant tant de bêtise de la part d’une opposition supposée pousser les événements et s’organiser pour obtenir l’alternance démocratique ?
Ainsi va le Congo ! Au point où les plus pessimistes désespèrent déjà de la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre, après avoir fait le constat – tant pis-tant mieux – que père ou fils, repoussoir ou point d’ancrage, les Tshisekedi ne sont utiles à ceux qui s’en vont, ou à ceux qui reviennent, que pour mieux se positionner dans la course vers la mangeoire.
Ce qui condamne naturellement, à terme, le cavalier seul engagé par Bruno Tshibala qui a fait le terrible pari de se séparer du bastion biologique et sociologique de l’Udps quand ses collègues et amis ont fait celui d’être à la fois témoins et acteurs de la mutation historique que ne va pas manquer de connaître l’Udps. Mais ceci n’est que la face visible d’un mal plus profond qui frappe la scène politique congolaise depuis plusieurs semaines, rendant encore plus incertaine sa capacité à impulser le changement. Le coup de théâtre au sein du Rassemblement est en effet venu surabonder le mélodrame Raphaël Katebe Katoto, lequel, entre bisbilles familiales avec son frère Moïse Katumbi et la gestion d’une ambition qui n’a pas toujours exclu le grand écart en faveur de la Majorité Présidentielle, n’a pas réussi à rassurer aussi bien sur sa loyauté que sur sa capacité à s’engager au profit d’une cause, quand des fuites plus ou moins organisées – sait-on par qui ? – rappellent que l’homme ne manque pas de dossiers judiciaires qui auraient dû justifier son interpellation, tout en le présentant à la fois comme ancien financier de la rébellion de Laurent Nkunda du milieu des années 2000.
Il y a deux semaines, le député Mayo Mambeke Baudouin de l’Union pour la Nation Congolaise, l’UNC dont le leader est Vital Kamerhe, faisait état, sur une radio locale, de sa lassitude face aux turpitudes de la classe politique congolaise en général et de l’opposition en particulier. Le secrétaire général de l’UNC avait le sentiment que l’accord du 31 décembre 2016 ne serait jamais appliqué, que telle n’était en tout cas pas la volonté des acteurs politiques congolais plutôt soucieux du confort des arrangements et du bénéfice immédiat des querelles de positionnement.
Le week-end dernier, l’occasion pouvait être belle pour le Rassemblement de remettre subtilement en cause la position dominante de l’Udps au sein de la coalition au profit du copilotage comme mode de gestion après la disparition de la puissante figure emblématique d’Etienne Tshisekedi. Ce devait être un gage d’assurance, de solidarité et surtout de transparence. La formule d’une double présidence, n’était certes pas la meilleure comme ne le fut pas celle de quatre vice-présidents, mais elle permettait de figer provisoirement les positions, de repartir aux négociations du Centre Interdiocésain tout en laissant à chaque plateforme la liberté de choisir, le moment venu, entre une coalition électorale et l’indépendance des partis politiques.
Les leaders, dans leur omniscience et leur omnipotence, ont pensé qu’il était plus rentable d’agir autrement. Résultat : les négociations n’ont toujours pas repris, tout le monde s’épuise dans les querelles de positionnement et la majorité pavoise. Dieu, ou le diable, aveugle toujours ceux qu’il veut perdre. A sept mois de l’échéance d’un accord qui n’a jamais été mis en œuvre, ce qui est sûr c’est que l’option du référendum sera plus que jamais à l’ordre du jour. Ne demandons pas qui en est l’allié objectif.
Jean KENGE MUKENGESHAYI