Il n’y a que ceux qui ont vu Joseph Kabila ces dernières semaines qui n’ont pas marqué leur surprise face au look adopté par le chef de l’Etat congolais pour son message à la nation prononcé devant les deux chambres du parlement réunies mercredi 5 avril en congrès. Joseph Kabila avait plutôt troqué sa traditionnelle tête rasée au contre une abondante chevelure. La bouche était ornée d’une moustache touffue couleur poivre-sel. Difficile de faire la part des choses dans le message que ce look a voulu transmettre, entre maturité et détermination.
Ce look n’a évidemment pas empêché les courtisans de faire grimper l’applaudimètre, singulièrement lorsque le leader congolais a annoncé la nomination d’un nouveau premier ministre dans les 48 heures. Joseph Kabila s’est également fait applaudir en prenant l’engagement de poursuivre l’amélioration des conditions sociales des fonctionnaires de l’État grâce à la maîtrise des effectifs de l’administration publique et de la masse salariale. Une annonce qui est arrivée le jour même du démarrage supposé de la grève générale des fonctionnaires dans le secteur public. Il en était de même lorsqu’il a martelé que la RDC ne devrait plus être l’otage d’intérêts personnels et de lutte de positionnement des acteurs politiques, ou quand il a fustigé les ingérences étrangères, au nom de la défense de la souveraineté nationale, dans la gestion du processus électoral.
Le chef de l’Etat congolais n’a même pas feint d’ignorer que c’était cette gestion souveraine qui était la cause même de la crise. Il a néanmoins félicité la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) pour ses performances dans le processus d’enrôlement, qui a permis à la centrale électorale congolaise d’inscrire déjà plus de 21 millions d’électeurs pour un budget de 320 millions de dollars financé sur fonds propres.
Cette performance de la CENI a permis à Joseph Kabila de faire passer l’un de ses messages subliminaux. A savoir qu’il n’entend pas tolérer la moindre ingérence étrangère dans le processus de transition devant déboucher sur l’organisation des élections. Au lendemain de l’adoption de la résolution 2348 du Conseil de sécurité mettant l’accent sur la protection des populations civiles et l’accompagnement par la communauté internationale de la transition sous l’égide de l’accord du 31 décembre 2016, il y a assurément matière à décryptage, d’autant que Joseph Kabila, en oubliant d’invoquer l’autorité de l’accord de la St Sylvestre qui fixe à la fin de 2017 l’organisation des élections, n’a en revanche fixé aucune date pour un processus qu’il souhaite exclusivement conduit par la CENI.
Le deuxième message subliminal se cache assurément derrière l’ultimatum de 48 heures lancé au Rassemblement pour la nomination du nouveau premier ministre. Le chef de l’Etat congolais n’a évidemment pas dit que cet ultimatum était un processus de liquidation de l’accord de la St Sylvestre qui fixe la voie pour la désignation du premier ministre. En l’occurrence, on ne voit pas comment réconcilier les deux ailes du Rassemblement, entre ceux qui acceptent de déférer à l’exigence d’une liste de trois candidats ou plus et ceux qui s’en tiennent à l’orthodoxie du texte de l’accord.
Kabila sait que cette conciliation est impossible, tout comme il sait que l’exigence de la liste est depuis longtemps celle de sa famille politique. On peut du reste se dire surpris que lui qui a promis aux évêques d’évacuer les dernières divergences remette la balle dans le camp de la même classe politique incapable de s’entendre. Alors, des deux choses l’une : ou Joseph Kabila entend surfer sur ce blocage pour avancer ses propres solutions et ses propres pions ou le constat du blocage conduirait au maintien de Samy Badibanga. La question est de savoir pour quelle gain politique.
Jean KENGE MUKENGESHAYI