Cela s’appelle rétropédaler.
Mardi 9 mai au cours de l’émission «Parole aux auditeurs » de Radio Okapi, Corneille Nangaa, président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) n’avait pas d’autre choix que de déployer un plaidoyer pro domo pathétique afin d’éviter d’être celui par lequel le scandale était susceptible d’arriver. Face à une levée de boucliers qui le désignait comme l’agent éternel du « glissement », il a tenté de rassurer en indiquant qu’«aucune option n’a été levée pour l’enrôlement dans les Kasaï».
Députés, sénateurs, ONG : la mobilisation était générale. La semaine passée, Corneille Nangaa a en effet vu plusieurs réactions s’abattre sur lui après sa déclaration selon laquelle la persistance de l’insécurité dans les deux provinces du Kasaï et du Kasaï central, justifierait soit le report de l’enrôlement jusqu’au rétablissement de la sécurité, soit l’organisation des élections sans les deux provinces.
La réforme territoriale cristallisée autour du découpage territoriale apportait ainsi la preuve qu’elle avait été conçue, comme l’avaient dénoncé plusieurs experts, pour servir de levier au projet de blocage du processus électoral sous le prétexte des tensions territoriales, des affrontements interethniques, bref de l’insécurité. Que Corneille Nangaa se soit précipité à caresser ce cas extrême signifie qu’il s’agit pour lui plus que d’une simple hypothèse de travail. D’autant qu’organiser les élections sans les Kasaï étant inconstitutionnel, la seule voie de sortie résiderait dans le report pur et simple des scrutins.
Nangaa n’a pas été en mesure de convaincre sur le fait que l’insécurité aujourd’hui dans les Kasaï est pire que celle qui sévissait dans les Kivu lors des échéances de 2006 et 2011. En voulant semer le vent, Nangaa a naturellement récolté la tempête. Raison pour laquelle, dans le but de corriger sa bourde, le président de la CENI s’est empressé au cours de l’émission d’annoncer qu « Il n’y a aucune option qui a été levée », expliquant avoir plutôt voulu « lancer un cri d’alarme pour mettre la pression sur le gouvernement qui a la responsabilité de sécuriser et de faire ce qu’il faut pour que la paix revienne et que la stabilité revienne ».
Nangaa a même exclu toute hypothèse d’aller aux élections sans les deux provinces du Kasaï, précisant que les deux entités font partie intégrante de la RDC. Seulement voilà, le mal est fait. Personne ne le croit vraiment. Son procès a même commencé, dans lequel nombreux sont les Congolais qui l’accusent de parti pris, d’appartenir à la majorité, de ne faire que ce que celle-ci souhaite, bref d’être à la recherche du moindre prétexte pour retarder les élections et soutenir le glissement.
Déjà, Nangaa a embouché la trompette du retard de la mise en œuvre de l’accord de la Saint Sylvestre. Le message est sans doute que ceci expliquant cela, ce retard va exiger le rééchelonnement des échéances et impacter un calendrier que la CENI s’obstine toujours à ne pas rendre public.
«La première option sera : on a clôturé partout, on ne sait pas enrôler aux Kasaï et on va aux élections sans les Kasaï. Ou alors, nous poussons les choses pour qu’on stabilise ce coin et que nous enrôlions. On aura un fichier national. Mais, cela va nécessiter un peu plus de temps», avait déclaré le président de la CENI le 04 mai 2017 avant de se rétracter.
Mais les ballons d’essai, c’est à cela qu’ils servent : à préparer les esprits.