Où sont passés les 225 millions de dollars ou plus générés entre mars 2009 et décembre 2019 par le Go-Pass ? Difficile aujourd’hui de se faire une idée claire de l’utilisation de cette redevance, officiellement dénommée « Infrastructure Development Fund » (Idef). Depuis 12 ans, l’Idef a été instaurée en vue de permettre à la Régie des voies aériennes (RVA), en déséquilibre financier, de disposer des fonds nécessaires pour le développement des infrastructures aéroportuaires du pays.
Au moment où le gouvernement Sama Lukonde, investi le lundi 26 avril, envisage d’intégrer le Go-pass dans le coût des billets d’avion, il est judicieux de s’interroger sur la destination des recettes collectées jusqu’ici par cette redevance. Publié ce mercredi 5 mai par le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), le rapport « Leyisa punda, punda a leyisa yo » : à quoi sert le Go-pass depuis 10 ans ? donne un aperçu de la gestion opaque de l’Idef.
Le GEC a mené des recherches entre avril 2019 et février 2021. Nos chercheurs ont consulté et épluché des documents comptables de la RVA, des rapports de la Cour des comptes et des bailleurs ainsi que plusieurs correspondances administratives se rapportant à l’Idef. Ils ont également interviewé 97 sources différentes au sein et en dehors de la RVA.
Il en ressort que les fonds générés par le Go-pass ont été détournés de leurs objectifs initiaux. Plus de 37 millions de dollars de redevance collectés durant les deux premières années ont été alloués à la construction du seul pavillon présidentiel à l’aéroport de N’Djili, exclusivement réservé au chef de l’État et aux dirigeants.
La RVA a aussi versé, entre juillet 2015 et décembre 2017, au moins 6,5 millions de dollars générés par l’Idef à Congo Airways au titre de participation au capital. Plusieurs autres millions collectés ont servi au paiement du personnel de la régie.
Et il est difficile de savoir exactement comment l’argent restant a été utilisé à cause du manque de transparence. Cette opacité profite aux détenteurs du pouvoir politique qui détiennent jusqu’à aujourd’hui une mainmise sur l’entreprise : pour rester en fonction, des mandataires publics doivent leur verser des rétributions, suivant le dicton « leyisa punda, punda a leyisa yo (nourrit le cheval pour que le cheval te nourrisse à son tour, en français) ». Des pratiques douteuses persistantes et un manque de transparence qui n’ont pourtant pas dissuadé les bailleurs internationaux, notamment la Banque africaine de développement (BAD), et les banques privées d’accorder des dons et prêts importants à la RVA.
De fait, le cas de la RVA n’est qu’une illustration de l’échec du processus de réforme des entreprises publiques, initié en 2009 par l’État congolais. L’opacité et l’absence de redevabilité sont devenues structurelles dans la plupart des entreprises publiques congolaises transformées en sociétés commerciales.
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