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Conflit violent
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Les débuts compliqués de l’intervention ougandaise en RDC

C’était le lundi 29 novembre. Le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya avait convoqué une conférence de presse pour marteler un message : « il n’y a pas de troupes ougandaises en RDC, il y a plutôt mutualisation des renseignements militaires entre les FARDC et l’armée ougandaise » a-t-il dit.

Mais quelques heures plus tard, les propos du ministre étaient déjà contredits par les faits : l’Ouganda commençait à bombarder des positions sur le territoire congolais et ses troupes franchissaient la frontière. Comment expliquer une communication aussi contradictoire ?

Bonjour. Je suis Pierre Boisselet, le coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu. Vous écoutez le 43e numéro de Po na GEC, la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo sur l’actualité de la RDC. Et cette semaine nous nous intéressons à l’intervention ougandaise dans l’est du Congo.

À l’heure où nous enregistrons cet épisode, cette intervention ressemble encore à une « drôle de guerre ». Le bilan des bombardements du 30 novembre n’a toujours pas été confirmé de source indépendante. Et aucun combat ne semble avoir pour l’instant opposé les ADF, Forces démocratiques alliées, et les forces ougandaises censées les pourchasser. Alors, que se passe-t-il ?

Selon plusieurs sources diplomatiques et de terrain, les débuts de l’opération ont été paralysés par un manque de coordination entre l’armée ougandaise et l’armée congolaise. Le président Félix Tshisekedi a autorisé Kampala à intervenir, comme nous l’avions rapporté le 26 novembre. Mais l’Ouganda semble avoir interprété ce feu vert comme une autorisation à agir sans concertation. 

Conséquence : plusieurs membres du gouvernement congolais ont été eux-mêmes surpris d’apprendre le début des bombardements sur leur sol. Cela explique pourquoi le gouvernement congolais se bornait à évoquer « des actions concertées » entre les deux armées, alors que l’Ouganda assumait une réelle intervention au Congo. Selon nos informations, ceci a eu d’autres conséquences sur le terrain : les deux forces ne sont toujours pas parvenues à s’entendre sur une stratégie conjointe face aux ADF. Faute d’anticipation, les véhicules lourds envoyés par l’Ouganda semblent aussi rencontrer des difficultés à progresser. Les routes sont en terre rendues et elles ont été rendues impraticables par une intense saison des pluies. 

À cela s’ajoutent des problèmes de coordination avec la Monusco, la Mission de l’ONU en RDC. Son mandat ne l’autorise pas à collaborer avec une armée étrangère. Selon une source au sein de la Mission, cela signifie que les opérations qu’elle avait prévues contre les ADF, avec notamment son nouveau contingent kényan, sont pour le moment mises sur pause.

De son côté, l’Ouganda a exprimé une grande défiance à l’égard des casques bleus par la voix de son ministre des affaires étrangères, Henry Oryem Okello, dans une interview à la chaîne NTV. « Nous n’avons pas besoin de l’aide militaire de la Monusco. Même s’ils nous offraient une tasse de thé, nous la refuserions. L’armée ougandaise a la capacité de faire ce qu’elle a à faire dans l’est de la RDC sans son assistance ». 

Le résultat de tout cela, c’est que, sur le territoire de Beni, trois forces militaires chargées de traquer les ADF sont présentes sans réelle coordination entre elles pour le moment. 

Mais ce manque d’organisation semble aussi toucher Washington. Alors que le Département d’Etat semble considérer cette intervention comme une composante utile dans la lutte contre le terrorisme, le département du Trésor a prononcé des sanctions contre un homme clé de cette opération : le chef des renseignements militaires ougandais, Abel Kandiho, accusé de violations de droits de l’homme commises en Ouganda.

Ce début poussif et mal coordonné de l’intervention n’est pas une bonne nouvelle pour la lutte contre les ADF. En plus de deux décennies de présence dans l’est de la RDC, ce groupe a montré une inquiétante capacité à résister aux interventions militaires. Ces débuts hésitants risquent de lui laisser le temps de se réorganiser.

Les différents acteurs qui prétendent lutter contre les ADF devraient se ressaisir rapidement, et mettre sur pied une stratégie complète et cohérente, s’ils veulent arriver, enfin, à les défaire.

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