Deux sociétés appartenant en grande partie à des membres de la famille de l’ancien président Joseph Kabila ont reçu 92,3 millions de dollars de transferts douteux de la part d’entreprises et d’organismes publics congolais. Telle est la conclusion d’un rapport publié aujourd’hui par le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), basé à l’université de New York.
Au cœur de cette histoire se trouve la branche locale de la Banque gabonaise et française internationale (BGFIBank), l’une des plus grandes banques d’Afrique centrale. Depuis sa constitution à Kinshasa en 2010, cette succursale entretient des liens étroits avec la famille Kabila. À partir de 2013, diverses agences et institutions étatiques ont commencé à envoyer d’importantes sommes d’argent sur des comptes de la BGFIBank enregistrés au nom de deux sociétés dans lesquelles des membres de la famille Kabila sont de gros actionnaires : Sud Oil et Kwanza Capital. Les fonds provenaient de la Banque centrale du Congo, de la commission électorale, de la Mission permanente auprès des Nations unies, de l’Assemblée nationale, de la Société congolaise des transports et des ports (ex-Onatra) et du Fonds national d’entretien routier (FONER).
Il est difficile de concevoir une raison légitime pour ces transferts – les documents bancaires en possession du GEC ne montrent aucun service fourni par les sociétés de Kabila, et Sud Oil ne semble pas avoir eu d’actifs pendant cette période. Il n’y a aucune justification écrite de ces transferts importants, comme l’exige la loi congolaise. Et il n’y a pas eu non plus d’appel d’offres public, ce qui est requis pour les contrats d’État. En outre, les documents en notre possession montrent également que le gérant de Sud Oil a retiré plus de 50 millions de dollars en espèces pendant cette période sans justification, ce qui pourrait également violer la législation nationale contre le blanchiment d’argent.
Tout ceci interroge sur la capacité des différents régulateurs financiers – en particulier la banque centrale et la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) – ainsi que des agences fiscales à effectuer la surveillance nécessaire.
Contactées, les entreprises et les personnes citées dans ce rapport n’ont pas répondu ou n’ont pas fourni d’explication plausible. Notre enquête repose en grande partie sur des preuves documentaires, s’appuyant sur plus de 3,5 millions de documents partagés avec le GEC par la Plateforme pour la protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) et le réseau European Investigative Collaborations (EIC).