« Toye mpo na koyiba mboka oyo te, koboma yango te. D’ailleurs, eloko ya koboma eza lisusu te mpo esi ekufa. » Traduisez : « Nous ne sommes pas arrivés au pouvoir pour voler ce pays ni pour le détruire. D’ailleurs, il n’y a plus rien à détruire, car tout est déjà par terre. » Ces propos du président Félix Tshisekedi à Lodja, le 5 janvier 2022, ont suscité diverses interprétations au Congo. Mais au-delà des petites phrases polémiques, quelles sont les leçons à retenir de la tournée présidentielle dans l’espace kasaïen ?
Bonjour,
Je suis Trésor Kibangula, analyste politique au sein du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche de l’Université de New York. Vous écoutez le 46e numéro de Po Na GEC, notre capsule audio qui analyse les questions d’actualité en RDC. Nous sommes le vendredi 14 janvier 2022. Essayons de tirer les enseignements du dernier voyage d’itinérance du président Félix Tshisekedi.
Trois ans. Il aura donc fallu trois ans à Tshisekedi pour se rendre dans le Kasaï, en tant que président de la République. Du 24 décembre 2021 au 6 janvier 2022, le chef de l’État congolais a visité quelques villes, territoires et localités des cinq provinces du Grand Kasaï, sa région d’origine. Entre autres Mbuji-Mayi, Kabeya Kamuanga, Mupompa, Kabinda, Kananga, Tshikapa, Lodja… De ces voyages, il ressort un constat d’abandon de l’arrière-pays dans l’exécution des politiques publiques. C’est sans nul doute le premier enseignement. Une population qui croupit dans la misère, des salaires des fonctionnaires insuffisants pour faire face au coût de la vie et des infrastructures de base quasi-inexistantes. Tshisekedi aurait-il dû venir plus tôt « chez lui » pour s’en rendre compte ? Dans l’entourage du président, on évoque l’urgence sécuritaire qui l’aurait décidé à se rendre d’abord dans la partie est du pays. Aussi, se défend un proche du chef de l’État, « lorsqu’on devient président, sa province, sa tribu, c’est le Congo ».
Mais toujours est-il que, une fois au pouvoir, Tshisekedi s’est d’abord tourné vers l’extérieur. Personne n’a oublié les allers et retours du chef de l’État à l’étranger. Si certains de ces voyages ont aidé à obtenir des financements importants de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, la plupart d’entre eux n’ont pas entrainé d’investissements massifs dans le pays comme espéré. Et le temps presse. D’ici fin 2023, les Congolais vont demander des comptes. Quel sera alors le bilan du président sortant ? Dans la perspective des échéances électorales à venir, Tshisekedi compte visiter davantage l’intérieur du pays, endosser le costume d’un chef à l’écoute de son peuple, d’un chef qui veut palper du doigt les réalités locales, qui veut voir si les choses avancent dans le bon sens, ou pas. Se présenter finalement comme la solution à cet abandon de l’arrière-pays, tentant ainsi de se hisser au-dessus de la mêlée. Voilà le deuxième enseignement.
Le troisième enseignement, c’est ce que contient le sac de voyage du président. Un nouveau « projet phare » : le programme de développement local par territoire, autrement dénommé « programme de 145 territoires ». Sur fonds propres, le budget 2022 prévoit un peu plus de 181 millions de dollars, en attendant d’éventuels apports des partenaires extérieurs pour atteindre son coût total estimé à quelque 700 millions de dollars. L’idée consisterait à essayer de propulser le développement à la base, à partir de territoires.
Concrètement, il s’agira de lancer des petits projets dans chacun des 145 territoires du pays : des centres d’adduction d’eau motorisées ici, des constructions ou réhabilitations des édifices administratifs et des tronçons de routes de desserte agricole là-bas et partout des hôpitaux et des écoles de référence, …
Dernier enseignement, oui, vous l’avez compris, ces chantiers et projets annoncés rallongent la liste des promesses du chef de l’État. Le président Tshisekedi promet, entre autres, de relancer la Miba, d’électrifier plusieurs contrées, d’apporter de l’eau, de construire des routes, des écoles, des hôpitaux… À moins de deux ans du terme de son mandat.
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