Le 3 mars, Marie-Ange Lukiana, ancienne ministre du Genre, propose l’instauration d’un poste de vice-présidence en RDC. En clair, la députée nationale voudrait que ce poste soit exclusivement réservé aux femmes pour permettre leur ascension au sein des institutions de la République et, ainsi, « respecter », selon elle, l’esprit de la Constitution qui prône la parité. Cette proposition fait réfléchir sur l’accès des femmes aux postes de décisions et leur représentativité institutionnelle en RDC.
Bonjour !
Je m’appelle Ange Makadi Ngoy. Je suis chercheuse au sein d’Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Vous écoutez le deuxième épisode de la saison 2 de Po na GEC, la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New-York et d’Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC, qui tente d’analyser les questions d’actualité en RDC. Nous sommes le vendredi 11 mars 2022.
La représentation des femmes aux postes de décision n’a que peu progressé ces dernières années en RDC. En avril 2019, Jeanine Mabunda Lioko avait été élue présidente de l’Assemblée nationale, première femme élue à ce poste en RDC. En juillet 2021, Malangu Kabedi Mbuyi a été nommée à la tête de la Banque centrale du Congo (BCC), devenant ainsi la première femme à diriger cette institution stratégique créée en 1951. Avec l’équipe Sama Lukonde, le gouvernement a atteint pour la première fois 27 % de femmes (15 sur 56 membres). Certaines d’entre elles occupent des postes importants : Ève Bazaiba, vice-Premier ministre chargé de l’environnement, Rose Mutombo, ministre de la Justice ou Antoinette N’Samba, ministre des Mines.
Malgré tout, nous constatons tout de même la prépondérance masculine dans l’exercice du pouvoir politique. L’Assemblée nationale ne compte qu’environ 12 % d’élues femmes et les assemblées provinciales entre 10 et 12 %. Pourtant, l’article 14 de la Constitution reconnait que la femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. En plus, la journée du 8 mars vient rappeler qu’il existe des droits fondamentaux des femmes qui ne sont pas respectés. Au contraire, elles sont souvent confrontées à la violence sexiste et sexuelle, aux difficultés d’accès à l’éducation, aux inégalités salariales, à la précarité menstruelle entre autres.
Revenons à la proposition Lukiana. Une vice-présidence exclusivement aux femmes pourrait-elle améliorer la représentativité féminine au sommet de l’État ? Il faudra d’abord définir son rôle. Aux États-Unis, par exemple, on reconnaît à la vice-présidence, le pouvoir de trancher en cas d’égalité des voix au Sénat, de remplacer le président lorsqu’il n’est pas en mesure d’assumer ses responsabilités. Ce qui est un tremplin pour la présidence. Mais c’est également considéré comme un poste plus ou moins sans grand pouvoir.
Mais, là-bas, ce poste n’est pas réservé uniquement aux femmes. Réserver ce poste à une femme en RDC risque de sous-entendre qu’une femme ne peut jamais gagner la présidentielle. Aussi, instituer une vice-présidence de la République ne ferait que renforcer le caractère déjà budgétivore des institutions.
Alors, comment améliorer la représentativité politique des femmes ? Les partis politiques détiennent peut-être la clé, car ce sont eux qui recrutent et choisissent les candidats aux élections et décident de l’agenda politique du pays. Aujourd’hui, le compte n’y est pas : moins de 20 % des mandats de député sont exercés par des femmes. Ce qui prouve que les partis doivent faire davantage d’effort dans ce domaine et ne pas cantonner les femmes à la gestion des ligues des femmes. Il est ainsi essentiel d’arriver à une participation égale des femmes dans les instances des partis pour promouvoir l’égalité.
Une autre piste pourrait venir des réformes. La prochaine modification de la loi électorale pourrait par exemple envisager de garantir l’accès égal des hommes et des femmes à certains mandats électoraux et fonctions électives. Ceci passerait entre autres par une obligation de déposer des listes paritaires de candidatures pour certains scrutins. Les pouvoirs publics devraient en outre activer le financement des partis politiques afin d’appliquer l’article 33 de la loi sur la parité qui écarte du financement, les partis politiques dont les listes ne comportent pas la dimension genre.
Le gouvernement est enfin attendu dans des réformes institutionnelles favorables à l’égalité des sexes.
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