La réponse humanitaire internationale contre Ebola a bouleversé les dynamiques sociales, politiques et économiques dans l’est de la RDC. Dans son nouveau rapport « Ebola en RDC port – Ebola en RDC: système de santé parallèle, effet pervers de la réponse: système de santé parallèle, effet pervers de la Réponse », le premier d’une série de trois, publié ce jeudi 17 septembre, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) démontre comment, au lieu d’aider le système de santé congolais délabré à faire face à Ebola, la Réponse, coalition du gouvernement congolais avec ses partenaires internationaux, a développé un système de santé massif et parallèle à travers lequel Ebola a été géré lors de la dixième épidémie survenue dans le Nord-Kivu.
Bien que temporaire, le système de santé parallèle mis en place par la Réponse contre Ebola dans le Nord-Kivu a compromis les efforts visant à endiguer la propagation du virus. La Réponse a en effet dissimulé certaines nuances sur le virus pendant les campagnes de sensibilisation, exclu des agents de santé communautaires dans la recherche des cas contacts et retardé la prise en compte des protocoles pour des « enterrements dignes et sécurisés ». Elle a également entamé la vaccination avec un processus de consentement opaque avant de se rétracter.
La Réponse a ainsi longtemps évolué comme une structure externe à la communauté locale, ne sollicitant pas systématiquement l’avis de celle-ci, « atteindre le zéro cas » étant son objectif premier plutôt que le bien-être d’une population en proie à d’autres violences, dues notamment aux conflits armés, depuis plus de deux décennies.
Si elle a permis de sauver des vies, la Réponse n’a pas moins suscité peur et méfiance
Spécifiquement, le rapport révèle comment cette stratégie de lutte contre Ebola, mise en place par la Réponse, a essayé de contourner à tout prix le système de santé congolais. Elle s’est en effet évertuée à mettre en place des infrastructures et des pratiques ne relevant pas directement des structures sanitaires existantes. Un système de triage a été introduit dans toutes les structures de santé de la région ; des équipes de surveillance active, composées d’un personnel non médical, ont été imposées aux structures de santé ; des centres de transit et des centres de traitement Ebola (CTE) implantés. Ainsi, si elle a permis de sauver des vies, la Réponse n’a pas moins suscité peur et méfiance, s’appuyant sur une logique raciste de négation des systèmes de connaissance et de pratiques africains qui considérait le système de santé congolais comme foncièrement incapable de lutter contre Ebola. Pourtant, pour mieux contrôler les épidémies en RDC aujourd’hui et demain, la reconstruction du système de santé congolais s’impose.
Couvrant essentiellement les six zones de santé du Nord-Kivu ayant enregistré plus de 100 cas d’Ebola (Beni, Butembo, Katwa, Vuhovi, Kalunguta et Mabalako), ce rapport est le résultat d’une enquête sur l’impact d’Ebola et de la Réponse sur la communauté locale, menée auprès de plus de 3 630 ménages, entre janvier et mars 2020. Nos chercheurs déployés sur le terrain ont également épluché des données hospitalières rétrospectives dans 56 structures de santé et six zones de santé de la région, examiné plus de 200 documents (présentations, publications et rapports) émanant de la Réponse mais aussi passé en revue des pratiques initiées par des Congolais eux-mêmes pour soigner Ebola en dehors du système de santé officiel.
Pour en savoir plus, lire le rapport « Ebola en RDC : système de santé parallèle, effet pervers de la Réponse »