Ils ne se sont plus parlés depuis l’épisode du « troisième faux penalty » fin 2014. Près de huit ans plus tard, le dimanche 22 mai, ils se sont serré la main. Joseph Kabila et Moïse Katumbi se réconcilient. En tout cas, c’est ce que voudrait démontrer le « rite de réconciliation » organisé ce jour-là à leur intention, à l’issue du forum sur l’unité et la réconciliation des Katangais, tenu du 17 au 19 mai à Lubumbashi. Et après ?
Bonjour,
Je m’appelle Trésor Kibangula. Je suis analyste et directeur du pilier politique à Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Vous écoutez le 13e épisode de la saison 2 de Po Na GEC, capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New-York, et d’Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC. Chaque semaine, ce podcast donne notre point de vue sur une question d’actualité en RDC.
Nous sommes le vendredi 27 mai 2022.
Côté face, le forum inter-katangais a refusé toute connotation politique. Il n’était question que de discuter des « différentes causes des conflits et divisions entre filles et fils du Katanga ». D’ailleurs, sur les sept pages de la déclaration finale de ces assises organisées par Mgr Fulgence Muteba, archevêque de Lubumbashi, les noms de Moïse Katumbi et de Joseph Kabila n’apparaissent nulle part.
Il faut dire que, depuis plusieurs années maintenant, le Katanga ne parle plus un même langage. Les ressortissants de la partie nord de la région, essentiellement des « Balubakat », se plaignent d’avoir été délaissés lorsque l’entité était dirigée par des gouverneurs originaires du sud. Et ils ont longtemps accusé ces derniers de n’avoir développé que « chez eux », le Sud. Dans leur viseur : le puissant Augustin Katumba Mwanke, aujourd’hui décédé, éminence grise de Joseph Kabila et gouverneur du Katanga entre 1998 et 2001 mais aussi Moïse Katumbi, le protégé de Katumba Mwanke et dernier gouverneur élu du Katanga entre 2007 et 2015. Mais cette lecture nordiste omet de rappeler que les « Balubakat » et les membres des tribus du nord Katanga ont, eux aussi, occupé de postes très importants à Kinshasa sous Kabila, lui-même lubakat.
Toujours est-il que ce clivage s’accentue lorsque Katumbi s’oppose, fin 2014, aux velléités de Kabila de briguer un troisième mandat, appelant les Congolais à se lever contre cet éventuel « troisième faux penalty ». Dès 2015, Kabila accélère alors le processus de découpage : le Katanga est démembré en quatre provinces, espérant entre autres fragiliser Katumbi. Plus que jamais l’espace katangais se retrouve tiraillé entre deux blocs, celui de Kabila et celui de Katumbi. Une division que le forum de Lubumbashi s’est attelé à mettre fin.
D’autant que, côté pile, le contexte politique actuel dans le pays contraint les uns et les autres à reconsidérer leurs positions. Fin 2020, le deal entre l’ancien président Kabila et son successeur Félix Tshisekedi a volé en éclats. Le chef de l’État est parvenu à inverser les rapports de force, reprenant au passage à son ex-allié le contrôle du Parlement, du gouvernement, voire de la Cour constitutionnelle. Katumbi qui est venu appuyer Tshisekedi dans ce bras de fer contre Kabila a beau rester, officiellement, dans l’Union sacrée de la nation, coalition au pouvoir, mais tous les signaux indiquent que l’ancien gouverneur n’y croit plus. Des réformes électorales consensuelles promises par le pouvoir ressemblent désormais à des chimères. Et des accords politiques n’ont pas été respectés.
Conséquence : des rapprochements qui semblaient inimaginables il y a quelques mois deviennent des hypothèses de travail. S’il est encore trop tôt pour parler d’une alliance politique entre Kabila et Katumbi, l’idée n’est plus à exclure. D’ici l’échéance électorale de 2023, l’un pourrait donc se ranger derrière l’autre. Mais, qui ? Indice du proche collaborateur de l’un des deux hommes : « Lorsqu’il était au sommet de son art, Trésor Mputu, balle au pied, faisait souvent semblant d’aller à droite avant d’offrir une passe décisive à Kaluyituka Dioko à gauche. »
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