Dans une synthèse de 11 pages, l’Inspection générale des finances a publié, le samedi 4 juin, les conclusions de son rapport sur la gestion de la Gécamines. L’IGF dénote plusieurs irrégularités dans la gestion des actifs miniers de la Gécamines et dans la gestion de la société proprement dite durant la période allant de 2010 à 2020, ce après plusieurs mois d’enquêtes dans la première société minière du pays. Que va faire la justice ?
Bonjour et bienvenue dans ce 15e épisode de la saison 2 de Po na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Jimmy Kande, chercheur principal en gouvernance à Ebuteli, le partenaire de recherche du Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New-York. Nous sommes le vendredi 10 juin et aujourd’hui nous nous intéressons au dernier rapport de l’IGF qui dépeint une situation alarmante à la Gécamines avec une perte estimée à des centaines des millions de dollars.
En visite dans le Katanga en mai 2021, le président Tshisekedi a annoncé son intention de renégocier les contrats miniers. Une révision motivée par le paradoxe entre la misère des Congolais et l’enrichissement des entreprises privées opérant dans le secteur minier qui génère des milliards de dollars.
Quelques mois plus tard, en septembre 2021, l’IGF lance l’audit de la Gécamines. Cette entreprise publique a toujours contribué de manière considérable au budget national et aux exportations du pays durant la colonisation et même après l’indépendance, avant sa faillite en 1990 qui a été également synonyme de l’effondrement de l’économie du pays.
Le boom minier au début des années 2000 avait permis aux investisseurs étrangers d’arriver massivement au Katanga et a coïncidé avec la privatisation des actifs de la Gécamines sans jamais avoir le moindre impact sur le quotidien des Congolais.
Les organisations de la société civile locale et internationale ont décrié la gestion de la Gécamines lors de deux dernières décennies, en accusant cette entreprise publique d’être au cœur du bradage des actifs miniers. Dans leurs rapports publiés en juillet et novembre 2017, les ONG Global Witness et Centre Carter, par exemple, estimaient déjà à plusieurs centaines de millions de dollars les pertes à la Gécamines, tout en récusant également le management de l’époque.
Le rapport de l’IGF vient non seulement confirmer les allégations portées par les organisations de la société civile mais produit aussi une analyse approfondie de la gestion au sein de la Gécamines. Il remet en cause :
– le processus de privatisation des actifs miniers, en affirmant que les réserves de l’entreprise n’ont jamais fait l’objet d’évaluation indépendante avant les transactions et ont été sous-estimées à plusieurs reprises ;
– l’absence d’apport des capitaux propres par les partenaires qui a privé le Trésor public d’importantes recettes fiscales ;
– les royalties qui n’ont permis de générer à l’État congolais que 564 millions de dollars sur 35 milliards de dollars de chiffres d’affaires réalisés par les partenaires privés, soit 1,6% alors que le taux pouvait atteindre 2,5 % ;
– le partenariat minerais contre infrastructures estimé à près de 6,2 milliards de dollars qui n’a pas donné des résultats escomptés, projet entaché également par la disparition de près de 175 millions de dollars, soit une partie de la prime à la signature devant revenir à la Gécamines ;
– près de 413 millions de dollars d’avances fiscales de la Gécamines qui n’ont pas été retracés dans le Trésor public laissant planer les soupçons sur un probable détournement des deniers publics.
Le rapport de l’IGF remet également en question d’autres décisions de gestion, notamment la mauvaise utilisation des revenus des partenariats et louage des droits miniers, la vente du patrimoine immobilier sans évaluation formelle d’une expertise immobilière indépendante, la création d’au moins sept filiales pour diverses activités commerciales dont une seule est actuellement productive. Malgré cela, le conseil d’administration de la Gecamines et d’autres hauts responsables ont reçu plus de 5 millions de dollars de « paiements indus » entre 2016 et mai 2020, dénonce l’IGF
Alors, après ce constat accablant de la gestion de la Gécamines, quel sera le sort réservé à ceux qui ont contribué à l’effondrement de ce qui était autrefois le poumon de l’économie congolaise ? Dans ce désastre, quelle aura été la responsabilité des différents ministres des Mines, des comités de gestion et des conseils d’administration qui se sont succédé ?
Si le rapport de l’IGF se termine par une série des recommandations à l’endroit du gouvernement, de l’assemblée générale de l’actionnaire unique et du conseil d’administration de la Gécamines et de l’IGF elle-même, il reste à savoir ce que sera la réaction de la justice. Les conclusions de ce rapport vont-elles finir dans les tiroirs, comme la majorité de précédents rapports de l’IGF ou la justice fera-t-elle son travail, même s’il s’agit de « fouiner dans le passé ».
Il serait en tout cas impérieux que la justice se penche sur ce qu’a été la gestion de cette entreprise afin de lancer un signal fort tant aux mandataires publics qu’aux investisseurs privés.
En attendant d’en savoir plus sur la suite à donner à ce rapport, rejoignez notre fil WhatsApp en envoyant « GEC », G, E, C, ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po na GEC chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !