On l’a senti depuis quelques semaines. La diplomatie congolaise, jusque-là plutôt tacite, a récemment haussé le ton envers le Rwanda, qu’elle accuse de soutenir le groupe rebelle M23 dans l’est du pays. Est-ce que cette nouvelle approche a porté ses fruits ?
Bonjour ! Je m’appelle Joshua Walker. Je suis le directeur de programme du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche basé à l’Université de New-York. Vous écoutez le 18e numéro de la saison 2 de Po na GEC, capsule audio du GEC et d’Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC. Chaque semaine, cet audio donne notre résumé et analyse d’une question d’actualité en RDC.
Tout commence, le 1er juin de cette année, devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Le ministre des affaires étrangères, Christophe Lutundula, accuse directement le Rwanda de soutenir le M23 : « Qui arme le M23 et mobilise des hommes aguerris pour attaquer les troupes onusiennes ? Qui soutient cette force négative avec des armes lourdes au moment où le processus de Nairobi prend son envol et que le peuple congolais attend la visite du pape ? Pourquoi, à chaque fois, le Rwanda apparaît-il quand il est question des M23 ? »
Depuis, d’autres autorités congolaises ont répété ces accusations, notamment le président Tshisekedi lui-même dont la plus récente accusation date des célébrations de l’indépendance le 30 juin, où il a dénoncé une « énième agression de la part du Rwanda ».
En effet, si beaucoup de Congolais auraient espéré voir des déclarations et actions fermes contre le Rwanda pour son soutien au M23 par différents acteurs de la communauté internationale, ils ont été, jusqu’ici, déçus. Aucune dénonciation par le Conseil de sécurité de l’ONU. Aucune condamnation directe par l’Union européenne ou par un de ses pays membres, ni par le Royaume-Uni ou le Canada. Au contraire, ces derniers ont, au moment où se déroulent ces faits, assisté au sommet du Commonwealth organisé à Kigali – une sorte de victoire diplomatique pour le Rwanda. Ce sont plutôt les États-Unis qui ont employé un ton relativement plus fort, à travers un tweet le 14 juin du compte de leur ambassade à Kinshasa, pointant « la présence signalée de forces rwandaises sur le territoire de la RDC ».
Qu’est-ce qui explique cette relative timidité dans les réactions des partenaires ? Certains observateurs décrient une diplomatie congolaise mal adaptée : manque de cohérence de message, désorganisation, absence d’anticipation. Mais il y a également des questions stratégiques : qui de la RDC ou du Rwanda contribue-t-il au mieux aux intérêts de ces pays partenaires ? Le Rwanda, relate un diplomate onusien, s’est rendu « indispensable » : grand contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix, mission au Mozambique pour combattre les terroristes islamistes opérant dans une zone où se trouvent de grands projets de la société française pétrolière Total, accord avec le Royaume-Uni pour recevoir ses demandeurs d’asile, mais aussi soi-disant pays modèle pour l’efficacité des dépenses de l’aide au développement. Tout ça, en plus de posséder une diplomatie bien organisée qui délivre un message uniforme à tous les niveaux. Une rhétorique bien huilée qui ramène la crise actuelle aux problèmes internes en RDC.
Si la RDC veut avoir une diplomatie à la taille de sa grandeur, des réformes s’imposent. Pour cela, il y a nécessité de restructurer et de former le personnel diplomatique congolais. Mais une autre question mérite d’être posée si la RDC veut peser dans les relations entre États : comment peut-elle se rendre stratégiquement « indispensable » ? Quels sont ses leviers de pression diplomatique et politique non encore exploités ?
En attendant de voir la suite dans l’évolution de ce conflit politique, militaire et diplomatique, vous pouvez recevoir Po na GEC chaque semaine sur votre téléphone en envoyant « GEC » au + 243 894 110 542. À bientôt !