Dimanche, le président chinois Xi Jinping a prononcé un discours de près de deux heures lors du congrès du Parti communiste, l’événement le plus important du calendrier politique chinois, qui a lieu tous les cinq ans. Plus de 2 300 délégués venus de tout le pays ont convergé vers Pékin pour cet événement.
C’est le bon moment pour faire le point sur les relations de la Chine avec la RDC et, en particulier, sur sa rivalité avec les États-Unis.
Bonjour !
Je suis Jason Stearns, le directeur du Groupe d’étude sur le Congo, un centre de recherche indépendant basé à l’Université de New-York, qui travaille avec Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC. Bienvenue dans ce 34e épisode de la saison 2 de Po Na GEC, notre capsule audio qui décrit et analyse chaque semaine un sujet de l’actualité congolaise.
Dans son discours, Xi Jinping a mentionné le mot « sécurité » ou « sûreté » septante-trois fois ; les tensions croissantes avec les États-Unis ont clairement constitué la toile de fond de ce 20e congrès du Parti communiste. Le président chinois a mis en garde contre « les tentatives extérieures de chantage, d’endiguement, de blocus et d’exercice d’une pression maximale sur la Chine ». Ce n’était pas surprenant. Une semaine auparavant, son homologue américain Biden avait publié une nouvelle stratégie de sécurité nationale – la première depuis 2017 – qui désignait la Chine comme le « défi géopolitique le plus important » pour les États-Unis. Et ce, quelques jours seulement après que les États-Unis aient introduit des restrictions radicales visant à empêcher la Chine d’obtenir ou de fabriquer des puces et des composants clés pour les superordinateurs.
La rivalité entre ces deux grandes puissances s’accroît, cela ne fait aucun doute. Quel impact aura-t-elle sur le Congo ?
Il est probable, pour le moment, que d’autres facteurs que cette compétition entre superpuissances détermineront les relations entre la RDC et ces deux pays. Le président congolais Félix Tshisekedi, contrairement au régime de Joseph Kabila, a essayé de réorienter l’alliance du Congo de la Chine vers les États-Unis – il s’est déjà rendu au moins trois fois à Washington, mais pas à Pékin, et il a entretenu une relation fameusement étroite avec l’ancien ambassadeur américain à Kinshasa, Mike Hammer. Lors de différents votes à l’Assemblée générale des Nations unies, le Congo a voté en faveur de l’Ukraine, contrairement à la position chinoise et à celle de nombreux pays africains.
Et pourtant, les réalités économiques sous-jacentes s’opposent à toute reconfiguration radicale des alliances. Environ 36% du commerce du Congo se fait avec la Chine ; seulement 6% avec les États-Unis. En 2020, 15 des 19 mines productrices de cobalt au Congo étaient détenues ou financées par des entreprises chinoises ; la Chambre des mines affirme que 70 % de l’ensemble des activités minières sont contrôlées par des entreprises chinoises. Cette année des responsables américains se sont alarmés du fait que la Chine pourrait contrôler la chaîne d’approvisionnement en cobalt et en cuivre, des minéraux essentiels pour l’électronique et les batteries de voiture rechargeables. Cependant, selon Géraud Neema, l’éditeur francophone du China Africa Project, peu d’entreprises américaines sont prêtes à prendre le risque d’investir au Congo. En mai de cette année, Glencore, la plus grande entreprise occidentale présente au Congo, a été contrainte de payer 1,1 milliard de dollars d’amendes au gouvernement américain pour corruption dans ses projets au Congo et ailleurs ; en 2016, la société d’investissement américaine Och-Ziff a dû payer 400 millions de dollars d’amendes pour corruption au Congo.
En plus d’être largement à l’abri de telles accusations, les entreprises chinoises peuvent souvent compter sur le soutien de leur gouvernement. Les cinq plus grandes sociétés minières chinoises au Congo disposaient de lignes de crédit auprès de banques chinoises soutenues par l’État, pour un total de 124 milliards de dollars. Le gouvernement chinois est également en mesure de lier les investissements des entreprises chinoises à de grands projets d’infrastructure, tels que la construction de routes, d’hôpitaux et de chemins de fer.
Pour l’instant, malgré les protestations américaines, l’économie congolaise semble presque inévitablement liée à l’économie chinoise. Et plutôt que de voir une nouvelle guerre froide entre les deux superpuissances se dérouler sur le sol congolais, la plus grande inquiétude, pour l’instant, semble être la santé de l’économie mondiale. Les craintes d’une récession imminente et les taux d’intérêt élevés ont fait chuter de 30 % depuis leur pic du début de l’année les prix du cuivre, qui représente plus de la moitié des exportations du Congo. La tendance est similaire pour le cobalt.
Sur une note plus agréable, vous pouvez obtenir tous nos épisodes de Po Na GEC sur votre téléphone, avec une nouvelle parution chaque vendredi, en envoyant le mot « GEC » ou « Ebuteli » au + 243 894 110 542. À bientôt !