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Conflit violent
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Régime de notification d’armes en destination de la RDC, est-ce un embargo déguisé ?

« Il n’y a aucune raison objective, aujourd’hui, qui fasse qu’on maintienne la RDC dans une situation d’un pays sur lequel pèse une hypothèque de la méfiance ». Ce sont les mots du vice-Premier ministre et ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula. Il s’exprimait lors du point de presse organisé le 14 novembre par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Il affirmait que l’approvisionnement en armes par la RDC était restreinte à cause des exigences des Nations unies qu’il juge injustifiées. Il suggérait que les banques, les transporteurs et certains fournisseurs refusent de travailler avec la RDC car étant sur une liste noire. Allant  plus loin, le chef de la diplomatie congolaise avait expliqué que ces mesures restrictives de Nations unies sont un soutien à ceux qui combattent la RDC.

Comment comprendre cette prise de position alors même que le gouvernement congolais n’est plus soumis à un embargo ?

Bonjour et bienvenue dans ce 38e épisode de la saison 2 de Po Na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Reagan Miviri, chercheur sur la violence d’Ebuteli, partenaire du Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New-York. Nous sommes le vendredi 18 novembre 2022.

Depuis la prise de parole du ministre Christophe Lutundula, le débat s’est enflammé dans l’opinion publique congolaise avec plusieurs personnes indexant les diplomates occidentaux et les Nations unies accusés d’empêcher la RDC de se procurer en armes pour combattre les groupes armés. Ce qui n’est pas tout à fait vrai. D’ailleurs la RDC s’est procuré les armes malgré le régime de notification. 

En effet, en 2004, le conseil de sécurité de Nations a, par sa résolution 1593, décidé de mettre en place un embargo pour s’appliquer à tous les groupes armés. Cet embargo sera élargi à tout destinataire sur le territoire de la République démocratique du Congo y compris les forces  gouvernementales par la résolution 1596 de 2005 mais avec des mesures de dérogation : les livraisons d’armes n’étaient possibles qu’à certains endroits désignés par le Gouvernement, en coordination avec la MONUC, et notifiés à l’avance au Comité. 

Depuis le 31 mars 2008, cet embargo sur le gouvernement a été levé mais le conseil de sécurité a maintenu le régime de notification d’armes en destination des forces gouvernementales congolaises. Depuis le 30 juin 2022, l’exigence de notification ne s’applique qu’aux armes de petits calibres. Sans qu’il ne soit un régime d’autorisation, l’exigence pour les fournisseurs de notifier le comité de sanction vise à diminuer le risque que le stock destiné aux forces gouvernementales ne soit détourné vers les groupes armés. Alors que le Groupe d’experts des Nations unies avait trouvé à plusieurs reprises que la grande partie des armes détenues par les groupes armés proviennent des stocks des forces loyalistes. 

Le gouvernement congolais s’est engagé, dans son programme d’actions adopté par l’Assemblée nationale en avril 2021, à « clarifier et œuvrer pour la levée de toute forme de sanction contre l’État congolais, notamment l’embargo virtuel sur l’achat d’armes ». Car, ces exigences de l’ONU ne lui conviennent pas. Le ministre Lutundula a même mentionné un cas d’une livraison d’armes qui serait bloquée parce que le transporteur ne voulait pas l’acheminer en RDC. Sans beaucoup de détails, il est difficile  d’analyser ces affirmations. Toutefois, le Groupe d’experts avait déjà noté qu’occasionnellement, les banques et les compagnies maritimes sont réticentes à prendre des risques en finançant ou en expédiant d’armes qui ont même déjà été notifiées. Ce qui est une mauvaise compréhension des résolutions du Conseil de sécurité.

Il est possible que  le gouvernement congolais essaie de trouver une excuse pour justifier ses difficultés à juguler l’insécurité dans la partie est de la République. Tout de même, il peut légitimement demander la levée de ces mesures pour plusieurs raisons. Tout d’abord, même si le régime de notification ne l’empêche pas formellement d’acheter les armes, il est normal qu’en tant qu’ État, la RDC soit gênée par les restrictions, minimes soient-elles, dans un domaine de souveraineté comme la défense nationale et cherche à avoir plus de flexibilité lorsqu’il s’agit de contracter pour l’achat d’armes. La levée du régime de notification serait un symbole et un soutien fort pour la RDC qui fait face aux rebelles du M23.

Ensuite, le régime de notification semble sélectif et injuste. Alors qu’il a été établi que le Rwanda soutient les rebelles en RDC, aucune mesure n’est prise par les Nations unies pour exiger que les armes en destination du Rwanda soient notifiées au comité de sanction.

Enfin, le Conseil de sécurité sait pertinemment bien que ce régime ne marche pas. La preuve que plusieurs fournisseurs ne notifient pas. Il serait temps de privilégier d’autres moyens de vérification plus efficaces. C’est notamment le cas  des enquêtes du Groupe d’experts qui ont permis de trouver certains éléments sur l’origine des armes détenues par les groupes armés.

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