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Conflit violent
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Nairobi III : pour quoi faire ?

Dans une tente dressée sur la pelouse, de l’hôtel Safari Park à Nairobi, se tient depuis cinq  jours la troisième phase des pourparlers de Nairobi, piloté par la Communauté de l’Afrique de l’Est, l’EAC. 

Des chefs d’État de l’EAC, délégués congolais, des représentants de la société civile et des groupes armés, sont réunis. Les travaux sont censés poser les bases politiques d’un processus de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), expliquer son fonctionnement et dialoguer pour élaborer des pistes de mise en œuvre. On appelle à la paix. Les groupes armés présents sont félicités pour leur patriotisme – les absents menacés d’attaque par la force régionale s’ils refusent de déposer les armes. Pour certains acteurs armés, c’est la cinquième fois en quatre ans que le gouvernement les invite au dialogue. Quel espoir pour ces pourparlers ? 

Bonjour et bienvenue dans ce 40e épisode de la saison 2 de Po na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Eliora Henzler, coordinatrice du Baromètre sécuritaire du Kivu, le KST. Nous sommes le vendredi 2 décembre 2022.

Lier le processus de paix à l’est de la RDC à des mécanismes politiques régionaux semble logique étant donné la forte dimension régionale des conflits. D’un côté, parce que nombreux des groupes armés sur le territoire congolais trouvent leurs origines, leurs antagonistes ou leurs soutiens dans les gouvernements voisins – d’un autre, parce que les pays présents ont des intérêts économiques partagés dans la zone et proclament un intérêt à sa stabilisation. Equity Group a, par exemple, annoncé 1,6 milliards de dollars  d’investissements par 26 compagnies kényanes au Congo. Mais ce processus, mené par la région, ne s’intéresse qu’aux groupes armés congolais. Les groupes armés étrangers ne sont pas conviés, et les soutiens régionaux ne seront pas évoqués.

Les discours des premiers jours se tiennent sur un ton optimiste, en partie, parce qu’ils sont truffés de fausses promesses. Uhuru Kenyatta suggère que le M23 se tienne au cessez-le-feu décrété à Luanda. Le M23, qui n’était pas impliqué et a exprimé que les conclusions de Luanda « ne les concernent pas vraiment  », continuent d’opérer au Nord-Kivu. Leur dernière attaque à Kishishe, le 30 novembre, a fait plusieurs dizaines de victimes. 

Serge Tshibangu, lui, a prétendu que le financement du P-DDRCS est déjà disponible, ce qui n’est pas le cas : une partie des fonds a été engagée par des bailleurs, mais pas encore déboursée. Historiquement, le manque de prise en charge des démobilisés a été un défi central qui mène à la remobilisation cyclique des combattants. Le contenu est également contesté alors que le message sur la non-intégration dans l’armée semble être passé ; la revendication de l’amnistie et la libération des combattants restent vivement débattues. Hier, les groupes armés – chacun avec son cahier des charges – se sont levés en protestation contre les conditions présentées par le gouvernement, qu’ils fustigent de ne pas du tout les écouter. Finalement, la session sur l’exposition du P-DDRCS a été suspendue. D’après le gouvernement, c’est pour cause d’une irrégularité technique et des soupçons d’infiltration.

La distinction entre les groupes qui sont des « bons patriotes » engagés dans le processus et  « groupes terroristes » ignore le lien étroit entre eux. Les représentants de l’UPLC à Nairobi expliquent que tant que le M23 est présent, ils ne cesseront de le combattre. C’est la même chose pour le NDC-R de Bwira et les activités FDLR. Des membres de la communauté Banyamulenge ont suspendu leur participation mi-processus, exigeant la cessation des attaques par des groupes Maï-Maï et RED-Tabara. En Ituri, « tant que les Zaïrois continuent à opérer, expliquent les CODECO-URPDC, on ne saura pas garantir que certains éléments ne reprennent pas les armes pour “défendre les leurs” ». Une dé-escalation sur le terrain semble impérative avant de demander le ‘dépôt des armes immédiat’.

Au final, le volet politique mis en avant dans ce dialogue repose sur le concept d’une paix armée : on y sous-entend que la force de frappe militaire de la force régionale pourrait contraindre les groupes armés récalcitrants à déposer les armes. Plusieurs problèmes quant à la crédibilité  de cette menace, sur leur motivation d’abord : « est-ce que les Kenyans vont venir mourir au Congo ? », s’interrogent des membres de la société civile. Les effectifs ensuite : quelques centaines de troupes kényanes ont peu de chances de réussir là où les FARDC et la Monusco ont échoué. Restent le bilan mitigé des opérations de ces armées à l’est de la RDC, le financement de cette force, et son organisation sur terrain

La promesse d’une vague stratégie militaire dans les zones où le dialogue échoue ne semble pas la solution, d’autant plus que la complémentarité entre le politique et le militaire reste à clarifier – quel agenda lie les délibérations aux interventions militaires ? Le processus de Nairobi à celui de Luanda ? Si le gouvernement réussit ni à contraindre militairement, ni à convaincre qu’il est déterminé et capable d’assurer la sécurité des populations dans les zones dont ils sont issues, les revendications des groupes armés risquent de continuer à s’exprimer par la voie armée.

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