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Politique nationale
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M23 – Rwanda : comprendre les dernières victoires diplomatiques de la RDC

La fin de l’année 2022 a été grisante pour la diplomatie congolaise. Le 9 décembre 2022, le gouvernement belge appelle le Rwanda à cesser de soutenir le M23 ; dix jours plus tard, le gouvernement français fait de même. Puis, le 20 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU abandonne l’obligation – longtemps dénoncée par le gouvernement de Félix Tshisekedi – pour les pays de notifier aux Nations unies les livraisons d’armes à destination de la RDC. Que se cache-t-il derrière cette série de victoires diplomatiques pour le gouvernement congolais, et que signifie-t-elle ?

Bonjour ! Je suis Jason Stearns, le directeur du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), un centre de recherche indépendant basé à l’Université de New-York, qui travaille avec Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC. Bienvenue dans ce 43e épisode –le dernier pour 2022– de la saison 2 de Po Na GEC, notre capsule audio qui décrit et analyse chaque semaine un sujet de l’actualité congolaise. 

Jusqu’à ce mois-ci, les États-Unis étaient le seul gouvernement à dénoncer publiquement le soutien rwandais au M23, alors que les enquêteurs des Nations Unies ont transmis un rapport confidentiel au Conseil de sécurité, en août 2022 confirmant ce soutien. Quelques jours plus tard, lors d’un voyage à Kigali, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a sermonné le président Paul Kagame à ce sujet ; les sénateurs américains étaient arrivés à cette conclusion encore plus tôt, en juin 2022. 

D’autres gouvernements, cependant, ont traîné les pieds, même si, en privé, la plupart des diplomates étaient d’accord avec cette évaluation. Cela s’explique en partie par des intérêts bilatéraux. Le Royaume-Uni a signé un accord avec le gouvernement rwandais pour verser à Kigali 155 millions de dollars plus les coûts opérationnels pour accueillir ses demandeurs d’asile. La France a également développé un partenariat solide avec le Rwanda sous la présidence d’Emmanuel Macron, en partie en raison du déploiement de troupes rwandaises pour protéger les installations de la grande compagnie pétrolière française TotalEnergies au Mozambique. 

En conséquence, au lieu de condamner le Rwanda, le Royaume-Uni a organisé un grand sommet du Commonwealth à Kigali en juin de cette année, et la France a fait pression pour que l’Union européenne aide à financer la mission militaire rwandaise au Mozambique. De même, et pour diverses raisons, aucun gouvernement africain n’a pris position publiquement pour condamner le Rwanda.

Tout cela a changé au début du mois de décembre. Pourquoi ?

La pression sur les différents gouvernements avait commencé à monter. Le docteur Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix en 2018, a dénoncé le soutien rwandais, tout comme plusieurs parlementaires européens. L’élément le plus important est probablement le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU, qui était à la disposition du Conseil de sécurité à la fin du mois de novembre et qui a finalement été divulgué à la presse le 22 décembre. Ce dernier rapport indique que les enquêteurs de l’ONU disposent de preuves significatives démontrant « l’intervention directe des forces de défense rwandaises (RDF) sur le territoire de la RDC », au moins entre novembre 2021 et octobre 2022. Face à ce rapport qui ne manquera pas de faire parler de lui dans les médias, il était logique de prendre les devants et de dénoncer le Rwanda.

Qu’est-ce que tout cela signifie ? Ce n’est pas clair. La situation dans l’est du Congo continue de s’aggraver. Certains commandants congolais semblent continuer de soutenir les milices, dont la plupart sont organisées selon des critères ethniques, contre le M23, au risque de fomenter de nouvelles violences et de placer les civils dans la ligne de mire. Alors même qu’il avait annoncé son désengagement comme demandé dans le cadre des  processus de paix de Nairobi et de Luanda.  Le M23  a hésité avant de quitter Kibumba  aujourd’hui après une rencontre avec la force régionale de l’EAC. Tout compte fait,  les initiatives diplomatiques n’ont jusque-là donné que peu de résultats tangibles.

La balle semble être dans le camp des diplomates. Les gouvernements africains se joindront-ils aux donateurs occidentaux pour condamner le Rwanda ? Et les principaux partenaires de Kigali feront-ils plus que condamner et déplorer ce soutien de Kigali au M23?

Pour des mises à jour et des analyses, vous pouvez obtenir tous nos épisodes de Po Na GEC sur votre téléphone, avec une nouvelle parution chaque vendredi, en envoyant le mot « GEC  » ou « Ebuteli » au + 243 894 110 542. A bientôt pour les prochains épisodes de Po Na GEC dès le 13 janvier 2023 !

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