Skip to main content Skip to footer
Conflit violent
< Retour aux ressources

L’armée burundaise au Sud-Kivu : entre pompier et pyromane

À Uvira, au Sud-Kivu, des camions militaires traversent la frontière. Il s’agit de la relève des soldats des forces de défense nationale du Burundi – FDNB. En alliance avec les Imbonerakure – une milice burundaise, les FARDC et trois groupes armés de la zone, les soldats burundais ont avancé de manière ciblée. Selon certains rapports d’habitants de Bijombo, la force commence à présenter des résultats importants dans la sécurisation des communautés. Mais selon d’autres, il faut craindre des contre-attaques et représailles qui empireront la situation. Est-ce que l’intervention de l’armée burundaise sera une étape sur le chemin vers une paix durable ? ou est-ce qu’elle attise simplement les tensions existantes ? 

Bonjour et bienvenue dans ce 1er épisode de la saison 3 de Po Na GEC , la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Eliora Henzler, coordinatrice du Baromètre sécuritaire du Kivu, le KST. Nous sommes le vendredi 13 janvier 2023. 

Depuis le 15 août 2022, les FNDB sont officiellement présentes sur le territoire congolais dans le cadre  d’un accord bilatéral. Aujourd’hui, elles agissent sous le label de la force régionale de la communauté d’Afrique de l’Est (l’EAC). Il y a certains défis communs à toutes les armées de la force régionale de l’EAC: la difficulté de financements qui limite la marge de manœuvre, la crise de confiance et le manque de commandement central. Malgré cela, en décembre, les FARDC/FNDB ont remporté des victoires militaires:  la zone de Mikenge jusqu’à Minembwe est aujourd’hui contrôlée par eux, et quelques éléments du groupe armé Gumino. 

Mais les FNDB font face à des défis spécifiques au contexte des hauts et moyens plateaux: marqué par sa géographie, et par une constellation complexe de plusieurs groupes. Aux conflits de leadership de ces groupes, des conflits fonciers et à la dimension régionale du conflit s’ajoutent des tensions entre groupes Maï-Maï et groupes défendant majoritairement la population Banyamulenge – une communauté Tutsi longtemps stigmatisée, dont les origines et la langue peuvent être retracées au Burundi et au Rwanda. 

Le Burundi, lui, cherche principalement à déloger RED Tabara et les Forces nationales de libération (FNL) – deux groupes ennemis du gouvernement. Les FNL créaient un verrou décisif que la task force de l’EAC devait faire sauter pour avancer sur l’axe Itombwe. Mais en se focalisant uniquement sur les groupes hostiles au Burundi, l’intervention court le risque de ne servir que les intérêts burundais, et manquer l’objectif de ‘mettre fin à la violence des groupes armés’. Au contraire, les opérations de la task force ont un impact sur des antagonismes régionaux, et en contrôlant uniquement une partie de la zone, risquent de déplacer une partie du problème vers Mwenga et Uvira.

Les Biloze Bishambuke, par exemple, continuent d’affronter les Twirwaneho. Selon nos rapports, ils se sont alliés aux RED Tabara dans le Lulenge. Les Twirwaneho, eux, surtout le camp de Makanika, considéré comme plus proche du Rwanda, s’opposent directement aux FNDB et seraient eux aussi alliés aux RED Tabara, par endroits. 

D’autres groupes s’opposent aussi ouvertement à la force régionale. C’est le cas des Mai Mai Kidjangala, créés lors de l’arrivée de l’armée burundaise. En décembre, le KST a enregistré plusieurs affrontements entre ce groupe et les FARDC. Les efforts des FARDC courent le risque de s’éparpiller, s’ ils sont forcés à mener des batailles sur plusieurs fronts en même temps.

Enfin, une partie de la population craint d’être prise pour cible à la suite de ces opérations. Sur leurs reséaux, les Twirwaneho relayent une lettre, signée par des chefs coutumiers de la zone, qui présente la reprise de Minembwe par les FARDC/FNDB comme un risque de génocide contre les Banyamulenge par la task force de l’EAC. Si les mêmes Twirwaneho continuent à se retrouver en position de faiblesse, ils pourraient attaquer les membres de la force directement – comme ils l’ont fait avec la Monusco et les FARDC par le passé. Le même défi persiste : comment réellement sécuriser les civils, en évitant les représailles dans lesquelles on les confonds à des combattants? 

En attendant, rejoignez notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na GEC chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !

Share this