« Vous n’êtes pas venus ici pour favoriser le M23. Et ce serait dommage que la population s’en prenne à vous. Vous êtes venus pour nous aider, vous n’êtes pas venus pour avoir des problèmes. » Ces mots sont ceux du président Félix Tshisekedi au général Jeff Nyagah, commandant de la force régionale de la Communauté est-africaine (EACRF). Droit, visage ferme, à côté de son homologue kényan, William Ruto, le chef de l’État congolais fustigeait le 4 février 2023 l’inaction de la force régionale. Comment en est-on arrivé là ?
Bonjour! Je m’appelle Fred Bauma. Je suis analyste et secrétaire exécutif d’Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Vous écoutez le 5e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New-York.
Son ton était nettement différent de l’optimisme affiché quelques mois plus tôt. En septembre 2022, lorsque Félix Tshisekedi donne une interview à France 24 et à RFI, Bunagana est depuis plusieurs semaines sous contrôle du Mouvement du 23 mars (M23). Le président annonce, confiant, l’arrivée imminente du contingent kényan de la force régionale. «[Les Kényans], affirme-il, vont d’ailleurs entrer par Bunagana. » Il obtient aussi quelques progrès diplomatiques, notamment à l’issue de la réunion de Luanda le 23 novembre 2022 qui aboutit à une feuille de route enjoignant au M23 de se retirer des zones occupées sous peine d’y être forcé par une intervention militaire. Près de trois mois plus tard, la force régionale qui s’est depuis déployée peine à montrer ses muscles. Le contingent kényan, visible dans la ville de Goma, a réussi à négocier une zone tampon vers Kibumba et Rumangabo au nord de la ville de Goma, mais sans freiner la progression de la rébellion. Bunagana est toujours sous contrôle du M23 qui a étendu sa zone d’influence jusque dans le territoire de Masisi au point d’assiéger la ville de Goma. Aussi, les processus politiques de Nairobi et de Luanda piétinent. Et enfin, la frustration de la population envers la Monusco, et désormais la force régionale, atteint des limites inquiétantes.
Et c’est dans ce contexte que le sommet de Bujumbura s’est tenu le 4 février 2023, en présence de six des sept chefs d’État de l’EAC. Seulement, dans cette rencontre, la RDC est apparue isolée. Le communiqué final de la rencontre s’éloigne des positions traditionnelles du gouvernement congolais. Alors que ce dernier a, pour l’instant, refusé catégoriquement toute négociation avec le M23 qu’il qualifie de groupe terroriste, le communiqué affirme la primauté du processus politique et d’un dialogue inclusif comme gage d’une solution durable. Ce qui conduit Kinshasa à rappeler dans un communiqué parallèle que « le mandat de la force régionale est, sans équivoque, offensif » .
De fait, la RDC n’a pas pu faire valoir sa position dans une région où elle évolue désormais seule, tout en ayant ouvert les portes à toutes les armées.
Au sortir de ce sommet, Félix Tshisekedi a entamé une grande tournée diplomatique au Congo-Brazza, en Angola, en Afrique du Sud et aux Comores. Cela suffira-t-il pour mobiliser d’autres alliés ? Le Congo continuera-t-il à payer le prix d’une diplomatie amnésique qui a privilégié des intérêts ponctuels avec certains pays au détriment d’un engagement plus durable avec l’Afrique australe ? Comment sortir le gouvernement congolais de son isolement régional actuel ? Difficile de répondre à toutes ces questions. Cependant, la rencontre de l’Assemblée de l’Union africaine prévue mi-février ainsi que la visite prochaine du président français offrent des perspectives de réengagement international. Mais au fond, la solution à cette crise passera d’abord par la capacitation des FARDC. Et cela dépend principalement de la volonté du gouvernement congolais.
En attendant, vous pouvez rejoindre notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na GEC chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !