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SOS Kalehe : le drame et le vide

C’était un jeudi, le jour de marché, un rendez-vous important pour les hommes et femmes de plusieurs villages qui s’assemblent pour le commerce. Et puis la pluie, les rivières qui débordent de leurs lits et le deuil. 438 morts, des centaines de blessés et plusieurs centaines de disparus. Un drame immense à Kalehe ! Que nous apprend-il ? 

Bonjour ! Je m’appelle Fred Bauma. Je suis analyste et directeur exécutif d’Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Vous écoutez le 18e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New-York. Nous sommes le vendredi 12 mai 2023.

Le 4 mai, en pleine journée, une pluie diluvienne s’abat sur les villages de Bushushu et Nyamukubi, dans le territoire de Kalehe, provoquant le débordement de deux rivières et causant d’énormes dégâts. Le bilan est lourd : 438 morts et des milliers de disparus selon la société civile et les autorités locales. Près de 3 000 maisons emportées, six écoles détruites, des centres de santé balayés, des réseaux de distribution d’eau détruits. Des villages rasés. Du jour au lendemain, des familles se retrouvent sans abris… et sans assistance. 

Les conséquences de cette catastrophe, comme d’autres avant, sont aggravées  par une faible anticipation du gouvernement et une réponse désorganisée.

Le drame de Kalehe n’est pas le premier du genre. En 2014, dans le même village de Bushushu et dans d’autres villages, des pluies avaient déjà fait des ravages. Comme aujourd’hui, le drame s’était déroulé en pleine journée et des familles entières avaient disparu. Le bilan faisait alors état de plus de 200 morts et de plus de 950 maisons détruites. À l’époque, la réponse tardive n’avait pas permis de retrouver tous les corps. 

Kalehe a aussi été victime de glissements de terrain en 2017, et d’une série de naufrages meurtriers jusqu’en 2022. Aujourd’hui, la tragédie se répète, dans le même territoire et la réponse est tout aussi inefficace. Au lendemain du drame, Théo Ngwabdije, gouverneur du Sud-Kivu, visite le village avec une « petite aide » et promet un enterrement digne et sécurisé. Il faudra attendre quatre jours pour qu’une délégation de trois ministres et quelques députés venus de Kinshasa arrive sur  le lieu. Dans leurs bagages, une aide d’environ 20 000 dollars américains  destinée à 200 familles sinistrées, quelques produits alimentaires et environ 10 000 dollars américains pour deux hôpitaux qui prennent en charge les blessés et autres rescapés. Le gouvernement apporte aussi près de 100 cercueils. Une aide tardive et insuffisante pour des dizaines de milliers de victimes. Quelques jours plutôt, les corps avaient été enterrés dans des sacs mortuaires dans des fosses communes provoquant de vives protestations. Cette réponse du gouvernement démontre une faible coordination entre les responsables locaux, territoriaux, provinciaux et nationaux. Pourtant, en 2021, à la suite de l’éruption volcanique du Nyiragongo, Félix Tshisekedi avait mis en place une agence de prévention et de gestion des catastrophes naturelles.

Cette catastrophe est aussi la conséquence d’un faible aménagement du territoire, d’une hyper-centralisation, voire d’une personnalisation de la réponse. Pourtant, en raison du changement climatique, ce drame n’est probablement pas le dernier dans sa nature et dans l’étendue de ses conséquences. Lors des inondations de 2014 à Kalehe, le gouvernement avait annoncé une série de mesures, comme la délocalisation de certains villages. Des mesures rapidement oubliées. Qu’il s’agisse des inondations à Kalehe, des éboulements de terrain à Rubaya, de l’éruption volcanique à Goma ou des morts à Matadi-Kibala, les catastrophes répétitives pourraient être limitées avec une meilleure préparation des administrations locales.


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