Le 8 mai, lors de la réunion extraordinaire de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) tenue à Windhoek en Namibie, il a été décidé du déploiement d’une force régionale pour rétablir la paix et la sécurité dans l’est de la RDC. Cette mesure résulte d’une tournée entamée par le président congolais, Félix Tshisekedi, après l’échec du sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) tenu à Bujumbura le 6 février. Déçu de la permissivité de la Force régionale de l’EAC, qu’il accuse de cohabiter avec le M23, Félix Tshisekedi voit en la SADC une alternative à l’EAC pour la résolution de la crise. Mais, mesure-t-il le risque que pourrait constituer la superposition de forces ayant des ambitions divergentes ?
Bonjour !
Je m’appelle Henry-Pacifique Mayala. Je suis le nouveau coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu. Vous écoutez le 19e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New-York qui résume et analyse, chaque semaine, un sujet de l’actualité congolaise. Nous sommes le vendredi 19 mai 2023.
La décision de la SADC semble favorable à la stratégie du président Félix Tshisekedi pour la pacification de l’est de la RDC : elle promet l’emploi de la force contre le M23. Mais elle intervient peu après qu’une série d’approches similaires a été initiée sans beaucoup de succès. Quatres forces armées étrangères sont déjà présentes sur le sol congolais dans le cadre de la force régionale de l’EAC : celles du Kenya, de l’Ouganda, du Soudan du Sud et du Burundi, en plus de la Monusco et des ‘instructeurs militaires’. Cependant tous ces efforts de restauration de la paix et de la sécurité dans l’est du pays demeurent inefficaces.
Au sujet du déploiement de la SADC, plusieurs questions de fond demeurent non élucidées. Si les chefs d’États ont demandé que le déploiement ait lieu avant les échéances électorales, sa date exacte n’a pas été rendue publique. Le mécanisme de financement pour le déploiement de cet énième contingent n’a pas été précisé. Ni les effectifs que les pays de la SADC, qui contribuent déjà à la Monusco, pourront mobiliser.
Il faudra aussi tenir compte du fait que plusieurs pays membres de la SADC entretiennent des relations diplomatiques privilégiées avec le Rwanda, principal soutien du M23. Le Mozambique accueille par exemple un contingent de l’armée rwandaise en réponse à l’insurrection d’un groupe armé islamiste.
En outre, la tenue d’un sommet quadripartite avec tous les acteurs internationaux présents sur le terrain pour une harmonisation des attentes pourrait avoir des conséquences sur la nature du mandat et la chronologie du déploiement des troupes de la SADC.
Un autre fait inquiétant : l’Angola, pourtant membre de la SADC et un partenaire historique du Congo, n’enverra pas ses troupes combattre dans l’est du pays. S’exprimant sur France 24 le même jour à la suite du sommet de la SADC, le président angolais João Lourenço a indiqué que son contingent serait notamment là pour « assurer la sécurité aux éléments du M23 qui seront placés dans un centre de cantonnement ».
Sur le terrain, loin de la Namibie et de la République de la Gombe, le M23, en cédant des localités récemment conquises aux FARDC, y installe et arme des miliciens auxquels s’attaquent depuis d’autres milices locales, causant la mort de civils, malgré la présence de la force régionale de l’EAC.*
Qu’en serait-il d’une approche qui proposerait la réforme et la restructuration des FARDC ? Le président Félix Tshisekedi, qui, par ailleurs, prône la stratégie du tout sécuritaire, choisirait ainsi de rediriger les fonds alloués aux instructeurs et à la force régionale pour investir dans les FARDC.
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*L’avant dernier paragraphe, qui contenait l’expression ambigüe de « force d’autodéfense », a été reformulé pour plus de clarté.