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Politique nationale
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Élections en RDC : circulez, tout va bien

Publication du rapport d’audit du fichier électoral, adoption de l’avant-projet de loi de répartition des sièges, publication des statistiques générales des électeurs par province… Ce lundi 22 mai-là, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a réalisé trois activités de son chronogramme en une journée. À ceux qui lui reprochent un empressement inquiétant, la Ceni répond qu’elle ne fait que respecter la loi et le calendrier électoral. Surtout, tout va bien. « Ceux qui parlaient du glissement peuvent se rendre compte que nous avançons », soutient même son président, Dénis Kadima. Alors, pourquoi les autres parties prenantes ne sont-elles pas toujours rassurées ?

Bonjour,  

Je m’appelle Trésor Kibangula. Je coordonne les recherches sur la politique à Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Vous écoutez le 20e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New-York, et d’Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC. Chaque semaine, ce podcast donne notre point de vue sur une question d’actualité en RDC.

Nous sommes le vendredi 26 mai 2023.

Ce processus électoral ne ressemble-t-il pas à l’histoire de cet « homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages ? Au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : “Jusqu’ici tout va bien… Jusqu’ici tout va bien… Jusqu’ici tout va bien”. Mais l’important, c’est pas la chute. C’est l’atterrissage », rappelle-t-on dans le film La Haine. 

Il y a eu l’épisode de la composition controversée de la Ceni, puis celui de la nomination décriée des juges constitutionnels. La réforme électorale dénaturée. La polémique sur la répartition des centres d’inscription, sur l’opération d’enrôlement, ou encore sur l’audit du fichier électoral. La liste des couacs n’est pas exhaustive. Et hier, l’opposition a appelé à un sit-in devant le siège de la Ceni pour dénoncer un processus électoral qu’elle qualifie de « chaotique ». « Nous n’accepterons pas une nouvelle fraude électorale », a prévenu Martin Fayulu ce jour-là aux côtés de trois autres leaders de l’opposition, Moïse Katumbi, Matata Ponyo et Delly Sesanga, empêchés par la police d’atteindre les bureaux de la commission électorale sur le boulevard du 30 juin, à Kinshasa.

L’opposition n’est pas la seule à tirer la sonnette d’alarme. L’Église catholique, à travers la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), et l’Église du Christ au Congo (ECC), deux principales confessions religieuses du pays, disent avoir déployé 500 observateurs sur le terrain pour suivre l’opération d’enrôlement des électeurs. Ces observateurs ont travaillé sur un « échantillon aléatoire » de plus de 5100 centres d’inscriptions d’électeurs sur les quelque 22 000 prévus par la Ceni, soit un peu moins de 30 %. Assez représentatif et suffisant, selon elles, pour conclure, « au regard des faits observés sur le terrain (…)», que ce processus d’enrôlement des électeurs « n’a pas été mené avec transparence et précision, moins encore avec professionnalisme ».

Cette mission d’observation fait, entre autres, allusion aux « pertes en vies humaines dans certains centres d’inscription », aux « cas d’achat de service », ou à des « matériels sensibles de la Ceni entre les mains des individus n’en ayant pas qualité, ou encore une inégalité dans la répartition des centres d’inscription » et des cas, selon elles, des « centres d’inscription non retrouvés à ce jour ». Pour la CENCO et l’ECC, un audit externe indépendant et la publication des statistiques des enrôlés de chaque circonscription auraient pu rassurer les parties prenantes au processus électoral.

Des recommandations non prises en compte par la Ceni qui, on le sait, a choisi de faire recours à une équipe mixte d’experts électoraux à l’issue d’un processus de sélection décrié par l’opposition et une partie de la société civile. Les statistiques générales des enrôlés n’ont pas non plus été publiées circonscription par circonscription. « Nous en tenons à ce que disent nos textes légaux », m’a confié un responsable de la commission électorale pour se justifier. Il faut dire que la loi sur l’identification et l’enrôlement des électeurs ne fait pas de la publication des enrôlés circonscription par circonscription une obligation. Mais le faire aurait pu être considéré comme un geste de transparence. 

En fait, depuis le début de ce nouveau cycle électoral en RDC, chaque partie prenante suit sa ligne. Aucune intersection en vue. Avec le risque que le déficit de confiance dans le processus électoral continue à s’accroître, si l’on refuse de se regarder en face et de se poser les bonnes questions. Notamment celles des garde-fous encore possibles, ou pas, susceptibles de préserver la qualité des élections à venir. Et cela passerait sans doute par la convocation d’un dialogue technique, ou, si le mot fait peur, d’un cadre de concertation exclusivement consacré aux mécanismes de transparence à mettre en place. Il en va de la survie de notre démocratie. 

En attendant, rejoignez notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na GEC chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !

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