Le 31 mai, lors du sommet de l’EAC, la communauté d’Afrique de l’Est, à Bujumbura, le président kényan William Ruto a délivré un véritable satisfecit à sa force régionale. Selon lui, cette intervention a permis des progrès remarquables. Cependant, il était assez seul à se réjouir. Aucun autre chef d’État n’a fait le déplacement. Le gouvernement congolais, représenté par son ministre de l’Intégration régionale, a consenti avec réticence à une prolongation de trois mois de son mandat, mais n’a pas fait mystère de son souhait de voir cette force partir dès que possible. Sur le terrain, les signes d’une remontée des tensions se multiplient…
Bonjour et bienvenue pour ce 22e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité congolaise. Je suis Pierre Boisselet, coordonnateur des recherches sur la violence à l’Institut Ebuteli, et cette semaine nous nous intéressons aux tensions qui s’accumulent à nouveau dans la crise de la rébellion du M23.
Il faut d’abord signaler que les affrontements directs entre l’armée congolaise et le M23 ont effectivement marqué une pause depuis avril suite à l’interposition de la Force régionale de l’EAC. Le M23 s’est retiré de certaines positions, mais il n’est pas retourné sur les contreforts du mont Sabyinyo, comme la feuille de route de Luanda l’exige. Le conflit est donc gelé, mais pas réglé.
Or de nouvelles tensions se font jour dans la zone. Après plusieurs mois consécutifs de baisse des niveaux de violence dans le « petit Nord », les incidents se sont à nouveaux multipliés en mai, entraînant la mort d’au moins 38 civils. Ceci est en partie dû à l’incapacité de la Force de l’EAC à pacifier les zones sous son contrôle, mais aussi à la mobilisation de groupes armés hostiles au M23, qui s’auto-désignent désormais comme « Wazalendo », ou « Patriotes » en swahili. Cette mobilisation a été encouragée par une partie des autorités congolaises pour pallier l’incapacité de l’armée à contenir la menace du M23. Mais ces groupes sont mal contrôlés et ont des relations tendues entre eux. Ils harcèlent souvent les civils, tuent du bétail, et ont lancé des attaques contre le M23, au risque de provoquer une reprise des affrontements. Parallèlement, le M23 tente lui aussi de nouer des alliances, voire même de susciter la création de milices alliées. Tout ceci alimente d’importantes tensions intercommunautaires.
Par ailleurs, les mécanismes de Luanda et de Nairobi, qui peinent désormais à attirer les chefs d’États de la région lors des différents sommets, ne semblent pas être en mesure d’organiser le règlement du conflit. Les autorités congolaises continuent de refuser tout dialogue avec le M23, et viennent d’accuser le Rwanda, soutien de cette rébellion, d’avoir comploté avec Salomon Kalonda Idi Della, un proche de l’opposant Moïse Katumbi, en vue d’un coup d’état en RDC. L’approche de l’élection présidentielle congolaise, prévue pour décembre, pourrait renforcer encore l’intransigeance du président Félix Tshisekedi, qui peut difficilement se permettre des négociations rejetées par une vaste majorité de Congolais.
En l’absence de perspectives de solution, on assiste à une course aux armements. Quelques 900 mercenaires seraient présents à Goma, selon une source en leur sein. Et Kinshasa vient de réceptionner trois drones armés de fabrication chinoise ainsi que trois hélicoptères d’attaque supplémentaires, selon la publication spécialisée Africa intelligence.
La RDC espère aussi le déploiement prochain de la Force en attente de la SADC, la Communauté de développement d’Afrique australe, pour lui prêter main forte contre le M23. Cependant, selon une source diplomatique, ce nouveau déploiement n’est pas envisageable avant 2024, et l’Angola a déjà fait savoir que ses troupes ne seront pas envoyées pour prendre part aux combats.
Le 29 mai, les FARDC ont accusé le Rwanda et le M23 de renforcer leurs positions dans l’objectif de conquérir la ville de Goma. Le M23 a retourné cette accusation, affirmant que les FARDC préparaient l’opinion à une reprise de leur offensive.
Un nouveau sommet est prévu sous l’égide de l’Union africaine à Luanda le 23 juin pour coordonner les différents efforts diplomatiques et sécuritaires. Mais il n’est pas certain que cela suffise à débloquer la situation.
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