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Persistance de la suppléance familiale à l’Assemblée nationale en RDC : népotisme ou stratégie politique ?

Chaque député est élu avec deux suppléants. Comme pour les cycles électoraux précédents, certains candidats désignent leurs membres de famille comme suppléants. Comment comprendre la portée d’une telle pratique de « suppléance familiale » en RDC ? 

Bonjour et bienvenue dans ce 29e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et d’Ebuteli, qui tente chaque semaine d’éclairer un sujet d’actualité en RDC. Je suis Ithiel Batumike, chercheur principal au pilier politique à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 28 juillet 2023. 

Selon l’article 116 de la loi électorale,  le suppléant « remplace le député selon l’ordre établi, en cas de décès, de démission, d’empêchement définitif, de condamnation pénale définitive ou d’incompatibilité (…) ». De ce fait, certains candidats députés préfèrent aligner leurs membres de famille plutôt que ceux de leurs partis politiques, afin de conserver les avantages accordés aux députés dans le cercle familial restreint. 

Les députés Christophe Mboso, Colette Tshomba, Olive Mudekereza et Delly Sesanga, pour ne citer que ceux-ci, sont parmi ces candidats députés qui ont porté au moins un membre de leurs familles comme suppléants. Le choix du dernier cité paraît incohérent et suscite indignation au sein de l’opinion publique. Parce que Delly Sesanga est l’un des initiateurs du groupe de 13 députés et personnalités ayant lancé un appel en faveur des réformes électorales consensuelles (G13) à l’origine de la modification de la loi électorale de juin 2022.  Le G13 suggérait notamment  « l’interdiction de porter comme suppléants, sous peine d’annulation de l’élection, des parents en ligne directe ou colatérale, ascendante ou descendante, jusqu’au deuxième degré inclus ». 

Pour les partisans de cette interdiction, la suppléance familiale « accentue le clientélisme et crée un système de privilèges familiaux ». Une situation qui ne permet pas de fédérer autour des idées politiques et consolider la légitimité des institutions ainsi que la représentativité sociale au sein de celles-ci. 

Cependant, alors que 53% des Congolais interrogés lors d’un sondage réalisé par Berci, GEC et Ebuteli  en juin 2022 étaient favorables à cette proposition, le Parlement l’a rejeté. Les parlementaires ont, en effet,  estimé qu’ « une telle interdiction serait discriminatoire et violerait les dispositions des articles 12 et 13 de la Constitution relatives à l’égalité entre citoyens ». 

Mais, en réalité, la suppléance familiale a été maintenue pour d’autres raisons. D’abord, parce qu’il faut s’assurer de ne pas perdre complètement les avantages financiers du député, comme nous l’avons souligné. Ensuite, certains députés n’ont pas confiance en leurs suppléants et craignent parfois qu’ils essaient de les éliminer physiquement ou politiquement. Enfin, il y a lieu de noter que cette situation est accentuée par le manque de financement public des partis politiques. 

Bien que non interdite par la loi, la suppléance familiale demeure une pratique qui frise le népotisme. Elle fait passer les intérêts de la famille avant ceux du parti. Cette attitude réduit les partis aux entreprises familiales. Avec ce système, une personne élue comme député provincial, national et sénateur à la fois avec des suppléants membres de sa famille ne choisit qu’un seul mandat à exercer. Les deux autres reviennent de droit aux membres de sa famille. Si par la suite, elle est nommée à une autre fonction, le troisième mandat passe aussi à sa famille, en plus du nouveau poste dans le gouvernement ou dans les entreprises publiques. La Ceni soulevait, en 2019, dans son rapport général du processus électoral passé que cela posait « un problème d’éthique, de légitimité et de justice vis-à-vis du colistier venant en ordre utile des voix dans la liste ».

Pour combattre ces pratiques qui minent la légitimité des institutions, les évêques catholiques réunis à Lubumbashi du 19 au 22 juin, lors de leur 60e assemblée générale, ont appelé le peuple à ne pas élire les candidats qui présentent les membres de leurs familles comme suppléants.  

Mais c’est d’abord aux partis politiques qu’il revient de contrer ces pratiques auprès de leurs membres et rappeler que le parti réunit les individus autour des idées au-delà des liens familiaux ou communautaires. A cet effet, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti présidentiel, a demandé à tous ses candidats de profiter de la période d’ajout, retrait et substitution, accordée par la Ceni pour remplacer tous les suppléants ayant des liens de famille avec eux. Un exemple à suivre.

En attendant que d’autres formations politiques suivent ce bel exemple, vous pouvez recevoir Po Na GEC sur votre téléphone, chaque vendredi, en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542. À bientôt !

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