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Politique nationale
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Commémoration officielle du « Genocost » : est-ce le début d’une construction de la mémoire collective en RDC ?

Cette année, le président de la République, Félix Tshisekedi a présidé, pour la première fois, à la cité de l’Union africaine, la cérémonie de commémoration officielle du « Genocost », le génocide pour des gains économiques, organisée par le Fonds national de réparation des victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des victimes de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, un organisme étatique. Est-ce le début d’une construction de la mémoire collective autour des crimes graves commis en RDC ?

Bonjour et bienvenue dans ce 30e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et d’Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, qui tente chaque semaine d’éclairer un sujet d’actualité en RDC. Je suis Ange Makadi Ngoy, chercheuse au pilier politique à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 4 août 2023.

Comme depuis quelques années, ce mercredi 2 août, des jeunes de mouvements citoyens se sont réunis dans la soirée, à Kinshasa et dans plusieurs autres villes du Congo ainsi que la diaspora, pour commémorer – ce qu’ils appellent – la journée du « Genocost ». Alors que dans l’avant-midi, Tshisekedi participait, à la place des Évolués, rebaptisée place de la mémoire des victimes du Genocost par ces jeunes, à la journée nationale d’hommages aux victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. 

En fait, depuis 2013, une plateforme d’action de la jeunesse congolaise organise chaque 2 août la journée du « Genocost ». Cette date fait référence au déclenchement en 1998 de la deuxième guerre du Congo par la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) avec notamment le soutien du Rwanda. Une journée qui, selon Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, devrait « commémorer nos morts et le pillage des richesses du pays ».

Sans nul doute, des crimes ont été commis sur les territoire congolais depuis trois décennies. Toutesfois, cette commémoration engage implicitement un débat sur la la qualification de la violence à travers le concept « génocide congolais » et sur l’ampleur des crimes commis. Compte tenu de son mandat, le rapport mapping sur les crimes les plus graves commis en RDC entre 1993 et 2003 ne s’est pas prononcé sur le nombre exact de victimes. Le document parle néanmoins d’une centaine de milliers, voire de millions de personnes tuées.  Si le choix de la date du 2 août met en cause le Rwanda qui était engagé aux côtés de la rébellion du RCD, qu’en est-il des autres responsables de la violence ?

Bien qu’il soit évidemment important de commémorer les victimes, si rien ne fait en termes de justice, de réparations et de réconciliation, cela pourrait finir par exaspérer les victimes plutôt que de les guérir. Jusque-là, au-delà des discours,  aucune adhésion claire du régime Tshisekedi n’a été observée en ce qui concerne notamment le plaidoyer autour de la mise en place d’un tribunal pénal international pour le Congo. La quête de la justice continue. En même temps, certains auteurs dont les crimes ont été documentés bénéficient encore de l’impunité et d’autres occupent des positions officielles. 

Dans le but de renforcer la mémoire collective autour des Congolais tués, cette date pourrait être érigée en jour férié. En plus, comme c’est le cas dans d’autres pays à l’instar du  Sénégal, certains espaces devront être aménagés en mémoire des personnes tuées durant ce cycle infernal de violence. Surtout, il faut approfondir l’éducation sur l’histoire congolaise et cette violence pour que cela ne reste pas facilement récupérable par quelques gestes des politiques. Au niveau des écoles, dans les médias, les musées, il faut plus de débats, plus d’éducation, plus de travail sur la justice transitionnelle.

En attendant la suite, vous pouvez recevoir Po Na GEC sur votre téléphone, chaque vendredi, en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542.  À la semaine prochaine. 

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