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Politique nationale
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Nouvelles mises en place de Tshisekedi dans la magistrature : purge ou calcul électoraliste ?

Six magistrats révoqués, plus de 40 autres démis d’office de leurs fonctions, sans compter les deux cas de démission volontaire et plusieurs mises à la retraite. La série des ordonnances présidentielles lues à la Radiotélévision nationale congolaise, le lundi 28 août, ressemble à un véritable coup de balai dans la magistrature. Est-ce une manifestation de la volonté du président Félix Tshisekedi d’extirper de la justice ses brebis galeuses ? Ou s’agit-il d’une manœuvre politicienne à quatre mois des élections générales ?

Bonjour,

Je m’appelle Trésor Kibangula. Je suis analyste et directeur du pilier politique à Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Vous écoutez le 34e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New-York, et d’Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC. Chaque semaine, ce podcast donne notre point de vue sur une question d’actualité en RDC. 

Nous sommes le vendredi 1er septembre 2023. 

La révocation récente de six magistrats et la démission d’office de plus de 40 autres de leurs fonctions par Félix Tshisekedi peuvent interroger quant à leurs motivations profondes. Cette série de mesures apparaît comme une réponse à l’urgence de lutter contre la corruption et de rétablir la confiance dans un système judiciaire, très souvent décrié. D’ailleurs, dans ces différentes allocutions, Tshisekedi n’a cessé de clamer son insatisfaction à l’égard du travail de la justice. Dans son discours sur l’état de la nation de 2021 par exemple, le chef de l’État s’est même indigné du fait que la justice n’a pas été à mesure de poursuivre efficacement le travail de l’Inspection générale des finances. Il a même soutenu que la justice « détruit notre nation » dans un entretien avec sa porte-parole.

Il est cependant difficile d’ignorer le contexte politique dans lequel ces ordonnances présidentielles interviennent. À quatre mois des élections générales, la nomination de nouveaux magistrats dans les cours et tribunaux pourrait avoir des implications majeures sur les contentieux électoraux à venir. Cette dualité soulève la question complexe de savoir si ces décisions sont guidées par une volonté sincère de purification du système judiciaire ou si elles servent d’outil politique pour consolider le pouvoir du président Tshisekedi et influencer les décisions judiciaires à des fins politiques.

D’un côté, la lutte contre la corruption au sein de la magistrature est une démarche nécessaire pour rétablir l’intégrité et l’efficacité de la justice congolaise. Les efforts pour éradiquer les pratiques illicites et restaurer la confiance du public sont essentiels pour renforcer l’état de droit et promouvoir une société équitable. La révocation des magistrats impliqués dans des affaires de corruption – à l’instar du cas d’un conseiller à la cour d’appel condamné définitivement pour faux en écriture -, ou dans les affaires de viol – cas d’un juge de tribunal de paix – pourrait ainsi être considérée comme un signal fort en faveur d’une justice indépendante et éthique.

D’un autre côté, la question de savoir si certaines de ces mesures sont également motivées par des considérations politiques doit être prise en compte. Le renforcement de l’appareil judiciaire à l’approche des élections peut être perçu comme une tentative d’influencer le processus électoral en contrôlant les organes chargés de trancher les contestations électorales aux niveaux national, provincial et local. Déjà la composition de la Cour constitutionnelle – juridiction chargée de trancher les contentieux de la présidentielle et des législatives – est contestée par l’opposition politique qui réclame, depuis 2020, sa restructuration. 

Cette possible instrumentalisation de la justice à des fins politiques risque d’affaiblir la crédibilité du système judiciaire et susciter des préoccupations quant à son impartialité.

L’interaction entre la justice et la politique apparaît donc complexe en République démocratique du Congo. Aujourd’hui, à quelques mois des élections, plus qu’hier. En fait, si la lutte contre la corruption et contre les autres travers  du système judiciaire est essentielle, il est tout aussi crucial de veiller à ce que la justice soit véritablement au service de l’intérêt collectif et non utilisée comme un instrument politique. L’équilibre entre ces deux impératifs reste un défi constant dans la quête d’une démocratie solide et d’un système judiciaire équitable dans notre pays.

En attendant, vous pouvez rejoindre notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na GEC chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !

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