À l’issue du sommet de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), le 21 avril 2022, les chefs d’États présents avaient décidé de la mise en place de pourparlers de paix entre le gouvernement de Kinshasa et les groupes armés actifs dans l’est du pays. À la suite de cette recommandation, une série de dialogues ont été organisés en 2022 à Nairobi sous les auspices d’Uhuru Kenyatta, l’ancien président kényan. Fin mai et début juin 2023, un autre dialogue réunissant quatre groupes armés de l’Ituri a été organisé sous la supervision du général Peter Cirimwami, alors commandant de la 32e région militaire de l’Ituri.
À la fin de chacun de ces pourparlers, les groupes armés ont non seulement accepté de renoncer aux violences, mais aussi d’adhérer au Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS). En dépit de ces engagements, sur le terrain, les violences se poursuivent.
Bonjour et bienvenue dans ce 37e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo, qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Agenonga Chober, chercheur principal pour les Uélé. Nous sommes le vendredi 22 septembre 2023.
Il faut rappeler que le processus de Nairobi a été organisé sur fond de la reprise des hostilités du Mouvement du 23 mars (M23). Mais, le gouvernement congolais a exclu des négociations directes avec le M23, tout en décidant de poursuivre le dialogue avec d’autres groupes armés. Lors de la troisième session de pourparlers, fin novembre -et début décembre 2022, une feuille de route pour ramener la paix dans l’est de la RDC et mettre en œuvre le PDDRC-S a été adoptée.
Parmi les groupes armés représentés à ces pourparlers, trois venaient d’Ituri : la Force de résistance pacifique en Ituri (FRPI), la Force patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC) et la Coopérative pour le développement économique au Congo (Codeco). Ces trois groupes armés se sont engagés dans un autre dialogue de paix à Aru en Ituri fin mai 2023 où ils ont été rejoints par le Mouvement d’autodéfense populaire en Ituri (MAPI).
Au terme de ce nouveau dialogue, ces groupes armés ont encore une fois accepté de cesser avec les hostilités, d’adhérer au processus DDR, de faciliter la libre circulation des personnes, de leurs biens, et le retour des personnes déplacées.
Pourtant, quelques jours plus tard, au moins 46 déplacés du site de Lala en territoire de Djugu ont été massacrés par les rebelles de la Codeco qui poursuivaient les combattants de la milice rivale, Zaïre, qui s’y étaient retranchés. S’en ai suivi des représailles et contre représailles meurtrières de ces deux milices contre les civils.
Pourquoi, alors, les violences continuent-elles malgré les différents dialogues de paix ?
On peut d’abord relever que la crise du M23 a poussé le gouvernement congolais à dégarnir des positions militaires à Djugu pour renforcer les unités des FARDC au Nord-Kivu. Ceci semble avoir créé un vide sécuritaire que les rebelles actifs en Ituri ont cherché à combler pour à la fois percevoir des taxes et exploiter l’or, ce qui explique leur présence dans la zone minière située au Nord de Bunia en territoire de Djugu.
De plus, la milice Zaïre qui s’auto-identifie comme autodéfense civile n’était pas présente dans les différents dialogues, y compris à celui d’Aru. Cela a créé un climat d’hostilité à tel point que Codeco a justifié, à plusieurs reprises, ses attaques meurtrières contre les civils, comme étant une riposte à des provocations de Zaïre.
Par ailleurs, certains groupes armés semblent de plus en plus conditionner leur désarmement à une amnistie, une demande rejetée par le gouvernement mais qui a été au cœur des discussions lors du troisième round de dialogue de Nairobi.
En dernier lieu, le dysfonctionnement du PDDRC-S depuis son lancement en avril 2023 en Ituri ainsi que la crise de confiance des groupes armés vis-à-vis de ses responsables n’ont pas favorisé la reddition des nombreux combattants.
Au regard du faible succès de différents pourparlers de paix, faut-il changer d’approche ?
Pour mener à bien le processus de paix en Ituri, il faudrait une approche globale qui doit impliquer également l’amélioration de la capacité opérationnelle de l’armée, une prise en charge adéquate des militaires et une bonne discipline de ces derniers en vue de dissuader les rebelles, et lorsque c’est nécessaire, en les contraignant au désarmement.
Il faudrait aussi une justice transitionnelle qui doit se traduire, d’une part, par le renforcement des cours et tribunaux pour réprimer les responsables de différents crimes et dissuader ceux qui seraient encore tentés d’en commettre. Et d’autre part, par la mise en place d’un programme de reconstruction visant à la fois la restauration de l’autorité de l’État, la création des activités génératrices de revenus et le dialogue inter-communautaire.
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