« En lieu et place d’un affichage, la consultation des listes provisoires des électeurs se fera auprès d’un agent appelé [préposé à l’affichage] affecté à cette tâche au niveau de chaque antenne de la Ceni ». C’est la décision prise par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et rendue publique le lundi 9 octobre.
Comment comprendre cette mesure dans un contexte pré-électoral marqué par le manque de confiance envers la Ceni et le processus électoral en général ?
Bonjour ! Je m’appelle Ithiel Batumike. Je suis chercheur et analyste à Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Nous sommes le vendredi 13 octobre. Vous écoutez le 40e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), qui éclaire, chaque semaine, un sujet de l’actualité congolaise.
Le processus électoral en cours en RDC souffre d’une crise de confiance depuis son démarrage. De la recomposition de la Cour constitutionnelle à la constitution du fichier électoral en passant par la mise en place des animateurs de la Ceni et les réformes électorales, l’opposition politique et quelques organisations de la société civile ont critiqué un processus électoral conduit dans l’opacité et le manque de consensus.
L’affichage des listes électorales provisoires aux bureaux des antennes de la Ceni et leur publication sur son site web sont une obligation prévue par l’article 6 de la loi électorale ainsi que l’article 19 des mesures d’application de ladite loi. En décidant de ne permettre qu’une consultation de ces listes auprès de l’agent préposé plutôt que de les afficher comme prévu par les textes et son calendrier, la Ceni risque de susciter encore plus de méfiance au sein de l’opinion publique.
D’abord, cette décision de la Ceni remet, une fois de plus, dans le débat public la question de la fiabilité du fichier électoral. D’autant qu’après le refus de la Ceni de tout audit supplémentaire du fichier électoral, l’affichage de ces listes était perçu comme une mesure susceptible de rassurer tant soit peu les parties prenantes. D’ailleurs, dans leurs recommandations, les auditeurs du fichier électoral mandatés par la Ceni avaient suggéré de « mettre les listes électorales à la disposition des candidats à la présidentielle, sous une forme expurgée et en version électronique ». Cette recommandation demeure lettre morte.
La procédure de consultation que propose la Ceni paraît restrictive. Car, au delà de donner à chaque électeur la possibilité de se rassurer de n’avoir pas été omis de la liste, l’affichage aurait aussi permis à tout citoyen de relever les cas des électeurs inscrits irrégulièrement sur ces listes et d’introduire auprès du préposé une réclamation même contre le cas d’un tiers.
En instituant la consultation plutôt que l’affichage des listes électorales, la Ceni risque de décourager plus d’un électeur. Déjà qu’en ce moment les antennes sont sollicitées par les électeurs en quête des duplicatas pour remplacer leurs cartes d’électeurs devenues illisibles. Cette procédure de consultation leur rendrait la tâche encore plus compliquée.
Cette décision de la Ceni s’écarte également des principes de gestion, de surveillance et d’observation des élections dans le pays de la SADC. Ces principes recommandent notamment qu’« une durée suffisante et raisonnable soit allouée à une inspection publique de la liste électorale, pour des objections probables et le dénouement des protestations ».
Ne pas afficher les listes provisoires des électeurs cacherait-il une volonté de ne pas exposer d’éventuelles irrégularités du fichier électoral ? Cette décision de la Ceni ne trahit pas l’incapacité managériale, technique et financière de la commission électorale à imprimer ces listes et à les déployer jusque dans ses antennes ? En tous cas, cette décision de consultation intervient avec un retard de plus de deux semaines, si l’on s’en tient au calendrier de la Ceni. De même, près de 8 jours après la prise de cette décision, aucun élément relatif à ces listes n’a été publié sur son site internet.
Enfin, cette décision met en lumière les risques de déboucher sur des résultats électoraux controversés à la suite d’une multitude d’irrégularités sur le parcours. Si la Ceni se trouve aujourd’hui dans l’incapacité de respecter les prescrits de la loi sur les listes électorales provisoires, comment peut-elle garantir que, cette fois, elle respecterait l’obligation d’afficher les résultats bureau par bureau ?
En attendant, vous pouvez recevoir Po Na GEC chaque vendredi sur votre téléphone, en envoyant « GEC » au +243 894 110 542. À bientôt !