« J’ai pris la ferme résolution de conduire, ‘sans atermoiements funestes, mais sans précipitation inconsidérée’, les populations des provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu vers un allégement progressif et graduel du régime de restriction de l’état de siège ». C’est ce qu’a déclaré le président Félix-Antoine Tshisekedi le jeudi 12 octobre, lors de son adresse à la nation.
Après deux ans d’état de siège, qui n’ont pas permis de rétablir la sécurité dans l’est de la RDC, le chef de l’État a donc annoncé une requalification de sa mesure.
En quoi consiste exactement sa décision ? À deux mois du scrutin présidentiel, peut-il espérer en tirer un bénéfice électoral ?
Bonjour ! Je m’appelle Henry-Pacifique Mayala. Je suis le coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST). Vous écoutez le 41e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New-York. Nous sommes le vendredi 20 octobre 2023 et cette semaine, nous analysons l’annonce de l’allègement de l’état de siège par le président de la République.
Cette mesure d’exception, inédite depuis au moins deux décennies, avait été décidée par le chef de l’État lui-même en mai 2021. Elle était supposée rétablir la paix dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, les plus touchées par les violences des groupes armés dans le pays.
L’état de siège consistait essentiellement en une restriction de certaines libertés fondamentales et un remplacement des autorités civiles par des autorités militaires et policières. Mais cela n’a pas permis d’améliorer la situation sécuritaire. Pire : au fil du temps, la mesure est devenue de moins en moins populaire, en particulier dans les provinces concernées.
Conscient de cette défiance grandissante, le président a décidé de la tenue d’une table ronde réunissant les élus des provinces concernées et des forces vives de la nation, mi-août. Les participants ont recommandé une levée de l’état de siège.
Cette exhortation pouvait représenter un désaveu pour cette mesure emblématique de la présidence Tshisekedi. Le chef de l’État n’a en tout cas pas suivi cette recommandation.
Après deux mois de réflexion, il a finalement annoncé une mesure présentée comme intermédiaire : celle d’une requalification de l’état de siège.
Mais, il est difficile de voir en quoi cette décision consiste exactement. La levée du couvre-feu, ou encore le rétablissement partiel des juridictions civiles, annoncées comme des nouveautés, avaient en réalité été déjà décrétées depuis plus d’un an. La remise en place des autorités civiles qui a été annoncée, ne sera que graduelle et aucun calendrier n’a été précisé.
Au-delà de l’effet d’annonce, qui pourrait viser obtenir un regain de sympathie auprès des populations, une des rares mesures réellement nouvelles est la décision de payer immédiatement les deux années d’arriérés des émoluments aux élus provinciaux, qui avaient été suspendus par l’état de siège. Les arriérés des émoluments pour les députés provinciaux ne sont d’ailleurs pas spécifiques aux seuls élus du Nord-Kivu et de l’Ituri. Ceux des 24 autres provinces continuent de faire de sit in à Kinshasa pour réclamer paiements.
Ces décaissements devraient permettre aux élus de ces provinces d’investir dans leur campagne électorale, qui doit commencer le mois prochain. Le chef de l’État, qui remettra également en jeu son mandat, espère, peut-être, que les élus lui seront reconnaissants.
La seule mesure qui semble être nouvelle est celle relative à la levée de l’interdiction de manifester. Elle semble être justifiée d’abord par le triste massacre de Goma au cours duquel près de 50 personnes ont été tuées par les FARDC. Ensuite, surtout, par le début de la campagne électorale dans moins d’un mois. Les élections étant programmées dans ces deux provinces également, il y va de soi que les manifestations s’y déroulent sans restriction avec équité entre tous les candidats.
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