Les faits remontent entre 2018 et 2020, dans l’est de la République démocratique du Congo. Pour la première fois, l’épidémie à virus Ebola a frappé une zone d’hostilités en cours opposant des dizaines de belligérants dont les forces de sécurité congolaises.
La Riposte, réponse nationale et internationale combinée pour contenir la maladie, a non seulement été affectée par la violence, elle a aussi contribué, involontairement, à aggraver le conflit. Et, en dépit des sommes considérables dépensées, Ebola a continué à se propager dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri – déjà durement touchées par des décennies de violences armées. C’est ce que démontre ce nouveau rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), « Rebelles, médecins et marchands de violence : comment la lutte contre Ebola est devenue une partie du conflit dans l’est de la RDC », publié ce jeudi 5 août.
Sur le terrain, en voulant se protéger contre les attaques armées et réduire la résistance communautaire, la Riposte a adopté une approche militarisée et est devenue elle-même une actrice dans le conflit. Par l’entremise des agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR) et en collaboration avec le ministère congolais de la Santé, elle a accepté de rémunérer à la fois les forces de sécurité gouvernementales et les groupes armés non étatiques. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui nie les faits, était particulièrement impliquée dans ces paiements, en contradiction avec la procédure opérationnelle standard des Nations unies.
Ce rapport décrit ainsi comment ces paiements ont entretenu un cercle vicieux de résistance et de violence : la Riposte s’est engagée avec certains groupes armés en conflits avec d’autres et s’est retrouvée mêlée dans la violence, voire complice, dans certains cas, de la violence. D’autres groupes armés ont monnayé la violence, en se faisant « acheter » par la Riposte et en n’hésitant pas à vouloir prolonger l’épidémie pour continuer eux aussi à tirer profit de ce qu’on a appelé « Ebola Business ». Sur 20 mois, entre 489 et 738 millions de dollars ont été dépensés pour lutter contre Ebola dans cette partie du pays.
Le rapport met en garde contre le versement de paiements aux belligérants en échange d’un accès pour ne pas transformer, par inadvertance, les opérations humanitaires en une source de profit et pour ne pas porter atteinte à l’impartialité de l’action humanitaire. Comme le premier de la série de trois rapports du GEC sur Ebola, cette deuxième enquête insiste enfin sur la nécessité, à l’avenir, de s’appuyer autant que possible sur l’expertise et les connaissances locales, d’identifier les conflits potentiels et de collaborer de manière proactive avec les communautés.