Après des mois d’accalmie et malgré plusieurs rencontres entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, les affrontements ont repris le jeudi 20 octobre entre l’armée congolaise et le Mouvement du 23 Mars, ou M23. Ils ont fait au moins 6 morts et 33 blessés parmi les civils et déplacé à nouveau des milliers de personnes.
Difficile de déterminer avec certitude qui est à l’origine de cette reprise. Mais c’est le M23 qui semble, en tout cas, progresser militairement : il est même parvenu à couper la route nationale 2 qui relie Goma aux autres grandes villes du Nord-Kivu. Comment sortir de cette situation ?
Bonjour et bienvenue dans ce 35e épisode de la saison 2 de Po Na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Pierre Boisselet, coordonnateur des recherches sur la violence de l’Institut Ebuteli, partenaire du Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New-York. Nous sommes le vendredi 28 octobre, et cette semaine, nous nous intéressons à la reprise du conflit avec le M23.
La fragile trêve, qui avait été obtenue suite aux rencontres entre les chefs d’État congolais et rwandais à Nairobi, Luanda puis New-York ces derniers mois, a volé en éclat. Selon deux sources diplomatiques, certains points avaient été négociés : la fin de la collusion entre les FARDC et les rebelles hutu rwandais FDLR, le retrait du M23 des positions conquises depuis avril, lesquelles devaient être reprises par les troupes kényanes de la Force régionale, et enfin la reprise d’un dialogue avec le M23.
Cet accord, obtenu sous une forte pression diplomatique, ne satisfaisait en réalité personne. Plusieurs éléments l’ont rendu encore moins praticable. D’abord, depuis l’élection de William Ruto, le Kenya ne semble plus si déterminé à s’engager dans l’est de la RDC, du moins tant que la Force régionale n’est pas financée par des bailleurs. Or, malgré plusieurs tentatives pour obtenir ces financements, aucun n’a été convaincu pour le moment.
Ensuite, le M23, qui avait été écarté du premier round de négociation du processus de Nairobi en avril dernier, a choisi d’accroître la pression militaire pour tenter de forcer le gouvernement congolais à la table des négociations.
Or pour le gouvernement congolais, ceci demeure inacceptable. Pour Kinshasa, il s’agit d’une agression extérieure, appuyée par le Rwanda, appui qui a été confirmé par le groupe d’experts de l’ONU dans un rapport daté de juin dernier. De plus, le gouvernement congolais fait face à une immense pression populaire, particulièrement dans l’est du pays, pour refuser tout dialogue avec le M23.
Cette position de principe est compréhensible. Mais le gouvernement en a-t-il les moyens ? Son armée ne parvient en tout cas pas à contenir la menace. L’appui kényan n’est pas une option à court terme, comme nous l’avons vu. La Monusco s’est avouée impuissante dans ce conflit et sa capacité à prendre part aux affrontements a été encore réduite par ses relations tendues avec les FARDC. Enfin, les gouvernements occidentaux n’ont pas exercé les pressions décisives sur le Rwanda espérées par Kinshasa.
Sans doute frustré par ce manque de soutien, le gouvernement congolais a semblé menacer la communauté internationale de ne pas organiser les élections prévues l’année prochaine évoquant la situation sécuritaire comme un obstacle majeur, dans un communiqué publié le 25 octobre. Au même moment, l’armée mettait en garde la presse qu’elle ne tolérerait pas que soient relayés des messages «du Rwanda», dans une formulation assez vague pour intimider.
Cette rhétorique pourrait être populaire à court terme. Mais elle est aussi dangereuse. Elle ramène les élections au simple rang de monnaie d’échange, ce qui tend à démentir la sincérité démocratique du gouvernement.
Surtout, la trajectoire dessinée pour l’avenir du pays est inquiétante. Celle d’une répression accrue, d’une illégitimité des institutions si les élections étaient repoussées, avec pour conséquence prévisible une contestation et une instabilité croissante. Pour éviter ce piège, la République démocratique du Congo doit trouver le moyen d’isoler ses adversaires, plutôt que de s’isoler elle-même.
Les États-Unis ont fait un petit pas dans cette direction en appelant l’armée rwandaise à cesser son soutien au M23, par la voix de leur ambassadeur à l’ONU le 26 octobre. Mais le gouvernement congolais aura besoin de plus de soutien. Pour cela, il doit faire preuve de crédibilité et de responsabilité pour convaincre. Le prochain sommet de Nairobi, prévu à partir du 4 novembre, sera crucial.
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