Le 17 avril, le gouverneur militaire de l’Ituri a donné le go au désarmement des groupes armés à Diango, un site pilote situé à 10 km de Bunia ayant une capacité d’accueil de 1 000 combattants environ. Sur plus de vingt-mille combattants attendus à ce processus, une centaine se serait rendue avec 14 armes selon le programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation (P-DDRCS). Un mois plus tard, ce processus piétine car aucun des principaux groupes armés qui alimentent les violences dans cette province ne s’est rendu. Entre-temps, les violences se poursuivent sur le terrain. Qu’est-ce qui explique les faibles progrès réalisés depuis le début du processus DDR en Ituri ?
Bonjour et bienvenue dans ce 21e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Agenonga Chober, chercheur principal pour les Uélé au sein du pilier violence d’Ebuteli, partenaire de recherche du Groupe d’étude sur le Congo, un centre de recherche de l’Université de New-York. Nous sommes le vendredi 2 juin 2023.
Depuis le démarrage du processus de désarmement en Ituri, les principaux groupes armés concernés ont joué aux abonnés absents. Ni le Mouvement d’auto-défense populaire en Ituri (MAPI) ou Zaïre, ni l’Union des révolutionnaires pour la défense du peuple congolais (URDPC), principale branche armée de la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), ni le Front populaire et intégrationniste du Congo (FPIC) n’ont répondu présent à l’appel.
À part quelques commandants avec leurs hommes, à l’instar de Songambele Malali et Olivier Ngabu Ngawi, respectivement dissidents du FPIC et de l’URDPC qui se sont rendus, mais sans avoir une influence sur les groupes armés actifs.
Olivier Ngabu Ngawi a en réalité perdu son bastion après sa reddition aux FARDC en 2020. Il en est de même pour Songambele Malali qui n’était plus actif depuis plusieurs mois. L’identité d’autres combattants rendus à partir de Mambasa n’est pas connue.
Ce diagnostic semble montrer que le P-DDRCS s’est empressé à lancer ce processus sans l’adhésion des acteurs majeurs, ce qui conduit à tirer une double leçon de la problématique de l’implémentation de ce programme.
En premier lieu, il y a eu un déficit de planification. Le P-DDRCS a démarré dans la précipitation, sans avoir préalablement engagé le dialogue avec les parties prenantes au processus, vraisemblablement pour satisfaire une certaine opinion qui commençait à tirer à boulets rouges sur ses responsables à cause de la léthargie constatée depuis sa création en 2021.
Surtout, il navigue à vue, à travers un processus opaque dont la durée et le coût sont illisibles. Et les combattants ne savent pas ce qu’ils deviendront après ce processus.
À cela s’ajoute une bureaucratie pléthorique constituée d’un personnel nommé au lieu d’être recruté sur base d’expérience antérieure en matière du DDR.
De plus, ce programme souffre de la déficience de moyens pour lancer un processus aussi complexe que le désarmement de dizaines de milliers des combattants opérant majoritairement avec les armes blanches. Du coup, il faudrait plusieurs sites à aménager et à équiper, mais aussi de la logistique pour assurer le déplacement des combattants vers leurs sites respectifs.
En second lieu, la difficulté de l’implémentation de ce programme s’explique par le déphasage de l’approche. En amont, le travail de fond pour le DDR et l’appropriation du processus n’a pas été fait. En conséquence, les groupes armés rivaux tels que Zaïre et URDPC/Codeco se sont mutuellement accusés de provocation pour justifier des attaques contre les membres de leurs communautés respectives. Pour rectifier le tir, un nouveau dialogue a été engagé dans le territoire d’Aru entre les groupes armés à l’initiative du gouvernement provincial de l’Ituri avec l’appui de la Monusco depuis le 26 mai : MAPI, URDPC, Armée de libération du Congo (ALC), une autre branche de Codeco, FPIC, Force de résistance pacifique en Ituri (FRPI) y ont été représentés non pas par leurs commandants, mais par leurs délégués. Quelle sera la chance de réussite de cet énième dialogue après le fiasco de plusieurs autres tentés par le passé ? Voilà une nouvelle inconnue.
Par ailleurs, la démarche est non-inclusive, les communautés locales n’ont pas été suffisamment impliquées dans ce processus, ce qui cristallise encore une crise de confiance.
Enfin, l’approche volontariste sur laquelle le P-DDRCS fonde son discours de sensibilisation a déjà révélé ses faiblesses.
Il est temps que le gouvernement change d’approche, la carotte doit être assortie du bâton, en plus, un plan opérationnel réaliste doit être élaboré avec les sources de financement clairement établies ainsi qu’une participation inclusive des parties prenantes au processus.
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