Le 1er mars a débuté la dix-huitième visite d’Emmanuel Macron en Afrique et sa première en RDC ce vendredi. C’est aussi la première visite d’un président français en RDC depuis celle de François Hollande en 2012 en marge du sommet de la francophonie. Mais si la visite de Hollande était marquée par des tensions avec le gouvernement congolais, celle de Macron risque d’être entachée par la vague de sentiment anti-France sur le continent. Comment comprendre ce sentiment en RDC ?
Bonjour ! Je m’appelle Fred Bauma. Je suis analyste et directeur exécutif d’Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Vous écoutez le huitième épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New-York. Chaque semaine, cet audio donne notre point de vue sur une question d’actualité en RDC.
Le président Macron arrive en RDC au moment où la France a chuté dans l’opinion publique des congolais. Selon les sondages du GEC et Berci, en 2016, 71 % des congolais avaient une bonne opinion de l’action française en RDC, ils ne sont que 29 % à avoir une bonne opinion de la France en janvier 2023. Aussi, en seulement une année, entre 2022 et 2023, l’opinion favorable à la France en RDC a chuté de 29 points de pourcentage. Trois principales raisons peuvent expliquer cette impopularité :
D’abord, la vague des contestations de l’influence française dans ses anciennes colonies où le pays de Macron conservait encore beaucoup de pouvoir économique et des bases militaires. Cette tendance pourrait avoir en partie influencé ce sentiment en RDC. Cependant, cette raison n’est pas la plus déterminante. La RDC n’est pas une ancienne colonie française, la France n’a jamais disposé de base militaire au Congo et les principales entreprises françaises n’ont qu’une présence limitée en RDC – jusqu’en 2020, la RDC ne figurait pas parmi les dix premiers bénéficiaires africains des investissements directs étrangers de la France, contrairement à l’Angola, ou au Congo-Brazza. Enfin, Kinshasa n’a jamais fait partie de la Zone CFA.
Deux autres raisons liées pourraient mieux expliquer les critiques contre la France au sein de la population et du gouvernement. Il s’agit d’abord du positionnement de la France dans le conflit dans l’est de la RDC, plus grand pays francophone au monde. Dans l’opinion publique congolaise, Paris est considéré comme un allié du Rwanda. En effet, les relations entre le Rwanda et la France, tendues depuis plusieurs années, se sont considérablement améliorées avec l’arrivée de Emmanuel Macron au pouvoir. Le Rwanda, avec le soutien de la France, a pu positionner Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) pour deux mandats consécutifs. La France a aussi renforcé sa coopération avec le Rwanda dans plusieurs secteurs dont celui militaire avec le soutien aux opérations de l’armée rwandaise au Mozambique, en République centrafricaine ou au Bénin. Et la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par le Rwanda, n’a rien changé à cette collaboration. La condamnation du soutien rwandais au M23 par Paris n’a réussi ni à apaiser la population, ni à rassurer le gouvernement: « [la France] a la capacité de faire mieux », insiste Christophe Lutundula, ministre congolais des Affaires étrangères. Le rôle de la France comme membre du Conseil de sécurité des Nations unies a aussi été critiqué notamment lors de la controverse sur le régime de notification sur les importations d’armes.
Enfin, les attentes sur ce que la France pourrait apporter sont probablement influencées par les actions passées de ce pays. Des opérations artémis en 2003 en Ituri, au soutien à la suspension de l’aide européenne contre le Rwanda en 2012, la France était perçue comme un allié de la RDC, une puissance capable d’utiliser sa force politique et militaire. Cependant, dans cette crise, la France s’est proposée en médiatrice alors même qu’elle reste perçue comme plus proche de l’un des belligérants.
En RDC, Emmanuel Macron pourra réitérer des points déjà développés sur sa nouvelle stratégie sur le continent. Il parlera aussi de coopération économique, mais ce sont surtout ses actions sur la sécurité qui définiront l’opinion que les Congolais auront de sa visite. Pourra-t-il satisfaire à leur attente ?
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